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“Idiot! Parce que nous aurions dû nous aimer” © Samuel Rubio

Théâtre

Vincent Macaigne, idiot fiévreux

Cédric Enjalbert publié le 12 octobre 2014 4 min
Un théâtre de la dépense, qui brûle tout par les deux bouts, acteurs et spectateurs compris : c’est le credo de Vincent Macaigne. Son adaptation fiévreuse et violente de “L’Idiot” éblouit d’un éclair de clarté dans un bordel monstre.

Vincent Macaigne à des airs d'excès. C’est vrai qu’il se jette corps et âme dans tous ses spectacles, dépensant sans compter. Ses scènes sont encombrées de boue, de peinture, de mousse, de terre, d’hémoglobine et d’eau. Et ses comédiens se démènent à toute bringue dans un boucan du diable. Mais dans le charivari, il équarrit. C’est sa technique et son art. En dégageant le gras des textes, fracassant leur gangue pour en extraire le noyau, il parvient à extraire une substance de sens et d’émotion, étirant un fil rouge et une ligne droite. Comme le boucher de Platon, il dépèce les grosses pièces et tranche dans le texte, suivant les articulations. C’est sa finesse.


Boucherie fine

Cette boucherie fine a réussi à Hamlet, dont il a tiré Au moins j’aurais laissé un beau cadavre (en 2011). Il opère avec le même savoir-faire et main de maître dans Idiot ! parce que nous aurions dû nous aimer, d’après ses lectures de Dostoïevski. Un grain, pas de gras. Chaque personnage ressort en pleine lumière dans un portrait dessiné à la hache, clair dans l’esquisse. Le spectacle débute en trombe, avant l’heure dite, devant le théâtre, sur le parvis. En salle, l'anniversaire de Nastassia Filippovna chamboule tout, avec sa tireuse à bière pour tous, sa musique assourdissante et ses néons. Ambiance survoltée et difficulté à retrouver sa place.

Vincent Macaigne court, en surchauffe et déjà sans voix. Il a manqué d’y laissé sa peau, victime d’un accident vasculaire cérébral la veille de la dernière d’Idiot !, en 2009. De Hamlet et du prince Mychkine, l’idiot de héros en question, il partage la folie sinon la maladie. Pas peu. Car Dostoïevski la hisse au rang de catégorie philosophique. « La maladie joue en quelque sorte le rôle de passeur entre un monde prétendument sain et harmonieux, où les questions morales sont de purs calculs rationnels, où la beauté obéit à des recettes simples, et un univers beaucoup plus inquiétant, mais finalement plus authentique et humain, écrit Michel Eltchaninoff auteur de Dostoïevski. Le roman du corps (Million, 2013). Le prince Mychkine, épileptique, mentalement dérangé et impuissant, tout juste sorti d’une clinique suisse, détient ainsi une vérité que ne reconnaissent pas les “gens normaux“ qui s’adonnent sans gêne au commerce des femmes et à l’idolâtrie de l’argent. À son contact, les intentions dissimulées vont se révéler »…
 


Violence électrique

Révéler les intentions dissimulées, représenter l'irreprésentable, voici donc le cœur de cet Idiot ! qui décape, dont l’une des figures de proue est un personnage secondaire chez Dostoïevski : Hippolyte, un nihiliste rongé lui aussi par la maladie. Macaigne en fait un moteur… à explosion, monsieur Loyal menant le spectacle tambour battant. Thibault Lacroix, acteur fidèle du metteur en scène, rend grâce à la fièvre du personnage, lequel demande : « Quelle beauté sauvera le monde ? »

Bonne question. Entièreté fervente du regard contre cynisme désespérant de la pensée. Le match est franc; une large frange du public souscrit rapidement au parti du metteur en scène et de la troupe : oui à la violence utile qui astique les consciences et excite les passions. Dostoïevski a pavé le chemin avec sa « phénoménologie de la violence » que Macaigne expose sans pincettes, explose sous ses multiples facettes. « Chez Dostoïevski, la violence est d’abord une sorte d’atmosphère irrespectueuse et électrique, poursuit Michel Eltchaninoff. Cette violence caractérise le style même de Dostoïevski : le récit est foisonnant, étouffant, la texture nerveuse, la langue très dynamique, parfois haletante, parfois canaille. Pour le romancier russe, la violence n’est pas uniquement une faute morale – elle est notre milieu ambiant, le corps collectif de notre société »


Éclair d'idiotie

Peu réchappent à ce carnage : personnages décimés, spectateurs exténués. Le théâtre est sens dessus dessous. Depuis le début, un écran d’affichage digne d’un aéroport, avec son crépitement épileptique à chaque changement de destination, chapeaute la scène, en guise d’horizon et de repère, affichant le lieu et l’époque. Il est la mire des personnages imaginés par Dostoïevski, qui se rêvent en partance mais qui n’iront, à l’exception de Mychkine, jamais bien loin. Que reste-t-il de leurs illusions ? Rien que Mychkine ne soit parvenu à sauver. Amours brisés, amants morts, fortunes défaites. Ni moraline ni rédemption. Mais un éclair d’idiotie qui illumine la face sombre de la raison humaine, autodestructrice et désespérée peut-être, mais qui ne cesse « d’en découdre ». Hippolyte conclut: « Dieu comme je vous aime, je n’aurai jamais cessé de vous tenir silencieusement la main, à chaque putain de seconde je me serai mille fois tué pour chacun de vous, mes bons et doux amis, pour vous porter loin dans les siècles des siècles, chacun de vous, mon dieu comme je vous ai aimés… Mais maintenant c’est fini. C’est fini. Pardon, j’ai trop parlé. » À ces excuses, Macaigne se joint.

Informations
Idiot! Parce que nous aurions dû nous aimer
d’après L’Idiot de Dostoïevski
Écriture, mise en scène, conception visuelle et scénographique de Vincent Macaigne
 
Avec: 
Dan Artus – Rogojine
Servane Ducorps – Nastassia Philippovna
Thibault Lacroix – Hippolyte
Pauline Lorillard – Aglaia Ivanovna
Vincent Macaigne – Fils De Pavlichtcheff
Emmanuel Matte – Lebedev
Rodolphe Poulain – Totski
Thomas Rathier – Gania Ivolguine
Pascal Reneric – Le Prince Mychkine
 
Décor de Julien Peissel
Lumières de Kélig Le Bars
Vidéo de Thomas Rathier
Assistant à la mise en scène: Dan Artus
 
Du 1er au 12 octobre 2014 au Théâtre de la Ville
Du 17 au 19 octobre 2014 à La Criée de Marseille
Du 4 au 14 novembre 2014 au Théâtre des Amandiers à Nanterre
Du 19 au 21 novembre 2014 au Lieu Unique
Les 26 et 27 novembre 2014 à Bonlieu - Scène nationale d'Annecy

 

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