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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Plaidoyers

Votre idée pour sauver l’Europe ?

Michel Serres, Jürgen Habermas, Jean-Marc Ferry, propos recueillis par Michel Eltchaninoff publié le 16 juillet 2012 12 min

L’Union européenne semble condamnée à la stagnation, voire à la récession, prise en étau entre le poids de la dette et la pression des marchés financiers. Et s’il nous manquait une grande idée ? Trois philosophes – Michel Serres, Jürgen Habermas et Jean-Marc Ferry – relèvent le défi… de manière radicale.

Michel Serres. « Créons la Françallemagne ! »

« Pour sortir de la crise, il n’y a qu’une seule solution : la Françallemagne ! La fusion de nos deux pays ! Il faut passer à la seconde vitesse de l’Europe. Elle a été conçue au sortir de la Seconde Guerre mondiale par Monnet, Schuman et Adenauer comme une fédération : il s’agissait de réunir les deux grands États-nations européens qui s’étaient déchirés au prix de deux conflits mondiaux. Ma génération fut au cœur de ce projet. J’avais 9 ans au début de la guerre, 15 ans à la fin. J’ai connu la mobilisation de mes professeurs, l’Occupation, la peur et les privations, les réfugiés et les déportés, l’épuration et Nuremberg. Je n’ai jamais pu apprendre l’allemand à cause de cela. Je l’ai payé cher. Mon père qui était batelier au bord de la Garonne avait accueilli une famille de réfugiés belges et adopté les enfants lorsque les parents ont succombé à la maladie ! C’est dire que j’ai été confronté au plus intime par le conflit. Mais j’ai aussi participé à la réconciliation : lorsque je suis devenu professeur de philosophie dans les années 1950 et que les premiers étudiants allemands sont arrivés dans nos amphis, chaque fois qu’on abordait la guerre, ils tombaient en larmes dans mes bras, écrasés par la culpabilité. “De quoi parlez-vous ? leur disais-je. Je croyais que nous nous étions réconciliés. J’ai oublié.” C’est cet oubli qui les a guéris, je crois. Sans effacer le devoir de mémoire, je prône donc le devoir d’oubli. Car il ne reste plus rien aujourd’hui de l’horrible Allemagne nazie, sinon les crimes du passé. L’ambitieux projet de pacification et de réconciliation est achevé. Il s’agit maintenant de passer à l’étape suivante, celle de la fusion. Et il revient à la France et à l’Allemagne d’être à l’origine de cette transformation. Je voudrais donner les raisons qui rendent ce rapprochement à la fois possible et nécessaire compte tenu des périls qui nous guettent.

Plus frères que rivaux

Pourquoi fusionner ? Les Allemands et les Français se croient différents l’un de l’autre. C’est faux. Nous sommes en réalité devenus semblables, à trois niveaux, qui sont philosophiquement fondamentaux. Premièrement, nous sommes deux peuples de penseurs, de scientifiques et d’ingénieurs. Nous surévaluons l’abstraction, à la différence des Anglais, qui sont beaucoup plus empiristes et sceptiques. On oppose souvent la pensée cartésienne française fondée sur l’idée de la clarté de l’exposition (“ce qui se conçoit bien s’énonce clairement”, disait Boileau) à la pensée dialectique allemande fondée sur la complication du raisonnement. En réalité, c’est la même. Les Français et les Allemands ont une foi commune dans la raison abstraite. C’est une foi qui a des débouchés techniques et mathématiques. Nous sommes deux pays de concepteurs et d’ingénieurs. Et notre histoire intellectuelle est construite sur une stimulation mutuelle dans la quête de l’abstraction. L’histoire de la philosophie moderne, des Lumières française au romantisme allemand, est un dialogue ininterrompu entre nos deux peuples autour du pouvoir de la raison. Et l’invention de l’Université par l’Allemagne au XIXe siècle vient de là : l’Allemagne invente l’Université en réaction aux succès de la science française qui a permis les victoires napoléoniennes. Aujourd’hui encore, nos peuples croient dans ce pouvoir efficace de l’abstraction. Deuxième proximité : nous avons en commun l’idée de l’État. Certes, l’Allemagne est un État fédéral décentralisé en différents Länder alors que la France est fortement centralisée autour de sa capitale et de son État unitaire. Mais derrière ce mode d’organisation distinct, nous partageons en réalité une philosophie politique commune, centrée sur l’idéalisation de l’État. Cela nous distingue très fortement des Anglais, qui ont le culte de la civil society, dans laquelle ils voient le réel moteur de leur histoire. Troisième proximité : Allemands et Français sont partagés par une très profonde dualité chrétienne entre catholiques et protestants, entre catholiques et luthériens chez les Allemands et entre catholiques et calvinistes chez les Français. Cette culture du conflit religieux, devenue culture du conflit politique, reste féconde. Elle entretient une forme de polythéisme au sein du monothéisme. Elle est un gage d’ouverture à d’autres cultes, venus d’ailleurs.

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Comment résister à la paraphrase ?
« Éviter la paraphrase » : combien de fois avez-vous lu ou entendu cette phrase en cours de philo ? Sauf que ça ne s’improvise pas : encore faut-il apprendre à la reconnaître, à comprendre pourquoi elle apparaît et comment y résister ! 
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Article issu du magazine n°59 avril 2012 Lire en ligne
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