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Yves Michaud et Elsa Dorlin. © Stéphane Lavoué/Pasco&co pour PM - © Léa Crespi/Pasco&co

Dossier / “Que peut-on opposer à la violence ?”

Yves Michaud-Elsa Dorlin : faut-il rendre les coups ?

Elsa Dorlin, Yves Michaud, propos recueillis par Clara Degiovanni publié le 15 février 2024 12 min

Elsa Dorlin milite pour une culture de l’autodéfense capable de redonner un sens de la dignité, quand Yves Michaud entend préserver l’idée qu’on ne se rend pas justice soi-même. Les deux philosophes ont dialogué en n’évitant aucun sujet qui fâche.

 

Yves Michaud : Lorsque nous en faisons l’expérience directe, la violence s’imprime durablement en nous. Je me souviens d’une agression très traumatisante subie à la fin des années 1980, alors que j’enseignais au Brésil. Dans une rue, j’ai été attaqué par une bande de quatre ou cinq jeunes. On m’avait prévenu et dit de ne pas répondre. Mon sang n’a fait qu’un tour, et je me suis défendu. À un moment donné, alors que c’était très violent, j’ai eu peur de moi. Il avait beaucoup plu, j’avais un parapluie télescopique très solide, une sorte de matraque. Je m’en servais et, brusquement, je me suis dit : « Je ne vais tout de même pas tuer un gamin de 16 ans avec une matraque. » C’est terrifiant cette idée que l’on peut tuer quelqu’un. J’ai été détroussé et, le lendemain, j’étais couvert de bleus. J’en garde l’idée que la violence, cette violence qui fascine souvent les intellectuels et dont ils parlent souvent sans l’avoir éprouvée eux-mêmes, est en réalité toujours répugnante. Et en tant que philosophe ayant beaucoup travaillé sur la violence, j’estime qu’il faut toujours veiller à ne pas y succomber… et encore moins à la justifier. 

 

Elsa Dorlin : Je n’ai pas « expérimenté » la violence ; comme beaucoup d’autres que moi, elle constitue une part du monde de mon enfance, de ma vie d’adolescente, de femme. J’ai cherché à faire une histoire de la violence dans la modernité, en partant d’une expérience directe, vécue, de la violence patriarcale et sexiste. La différence entre nous, c’est que vous parlez de la violence de rue, dans l’espace public, face à des inconnus. Je pars de la violence intime, privée. Dans mon travail, je cherche d’ailleurs à remettre en question un partage fondamental dans la pensée libérale, entre l’espace privé, réputé non politique et où la violence n’est pas questionnée, et un espace public, où se poserait la question de son usage légitime. Dans cet espace privé, celui de la famille, interdit au regard, il existe des rapports de pouvoir organisés autour de l’exercice de la violence entre des vies « violentables » et des vies qui sont posées comme légitimes à exercer la violence sur les autres… C’est ce qui m’intéresse : travailler sur les points d’exercice d’une violence déréalisée, occultée. En clair : l’inceste, le viol ou la violence sexuelle. 

 

Y. M. : Sur ce point, je suis totalement d’accord avec vous. L’espace privé a été trop longtemps considéré comme un espace soustrait au regard, où l’on entretenait, par l’éducation, une sorte d’intériorisation de la soumission, de la résignation, chez les femmes en particulier – mais aussi chez les enfants et chez les humbles –, à la violence des hommes. Mais n’oublions pas non plus que la violence est aussi une affaire publique, qu’elle se manifeste dans la rue, dans les conflits sociaux, les insurrections ou les guerres. Je distinguerai une violence naturelle, liée à l’agressivité humaine, qui permet à l’homme de survivre, et la violence comme instrument, redoutablement efficace. C’est ce que disait Hannah Arendt, la violence est essentiellement un instrument. L’État est ce tiers auquel les individus délèguent la défense de leur intégrité en renonçant à l’exercice de la violence immédiate, avec pour contrecoup que le Souverain s’approprie l’exercice de la violence légitime. Sauf que subsiste toujours, c’est ce que Locke opposait à Hobbes, le droit de résistance quand l’État menace ou ne garantit plus l’intégrité des individus. Mais aujourd’hui, cet échafaudage subtil s’est considérablement fragilisé. Avec l’hypercroissance des États, avec les nouvelles guerres hybrides, mais aussi avec la violence du capitalisme, on voit surgir des mouvements violents comme les nouveaux terroristes ou les « gilets jaunes » qui se sentent exclus, oubliés, marginalisés, et qui trouvent dans une violence que je dirais expressive un levier pour se faire reconnaître et agir…

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Article issu du dossier "Que peut-on opposer à la violence ?" février 2024 Voir le dossier
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