Cinq Femmes
Une recension de Arthur Dreyfus, publié leUn genre littéraire surpasse-t-il les autres ? Le Goncourt rouvre chaque année ce débat si français. On regrettera qu’un certificat de fiction favorise par principe un texte au détriment de toute « histoire vraie ». Marcel Cohen, lui, refuse de trancher : ni romans ni récits, ses livres sont des faits. Comme si le fracas de l’histoire disqualifiait l’imaginaire, exhortant au fragment. Distinguer fiction et non-fiction, au demeurant, n’est plus très pertinent lorsque, à 6 ans, on voit partir sa famille en déportation – et qu’une banale promenade vous a préservé de ce sort. « J’ai su très jeune, médite Cohen, que ma biographie relevait beaucoup plus de l’illusion d’optique que d’un réel destin individuel. Comme tant d’enfants juifs […], que je sois devenu écrivain, cuisinier ou délinquant n’a qu’une importance très relative si l’on considère d’où nous venons et ce à quoi nous avons échappé. »
À quoi le petit Marcel, toutefois, n’a-t-il pas échappé ? À cinq bienfaitrices qui, chacune à leur manière, ne remplaceront pas la disparue – « Un baiser sur le front avant d’éteindre la lumière. C’était, je crois, tout ce que je pouvais supporter venant d’une autre femme que ma mère » – mais convertiront un orphelin fugueur, voué à l’échec scolaire, en écrivain. Politesse du désespoir ou génie de l’enfance ? En dépit du drame originel, nous rencontrons Raymonde, Alice ou Gabrielle avec un sourire assidu. La palme revenant à Lily, extravagante modiste dont la vitrine promettait : Deuils en vingt-quatre heures. Dans sa boutique où les clientes hésitaient plus longtemps que pour se choisir un mari, cette tante avait logé sa famille, et un chat moins intéressé par les souris que les plumes de chapeaux. Divinement peints, ces cinq portraits ont la magie des couplets de Trenet, et la gratitude (au féminin) d’une Chanson pour l’Auvergnat. « La veille de son départ pour Auschwitz, [ma mère qui avait écrit] à Annette de “me garder comme son fils”, [apprit] que je me trouvais déjà chez elle à Messac. Peut-on parler de réconfort chez une femme que l’on entassera, le lendemain matin, dans un wagon à bestiaux pour une destination inconnue avec son nouveau-né dans les bras ? Oui, sans aucun doute. » C’est en profil perdu que l’émotion affleure, au détour d’une phrase opaline, dans l’inattendu d’un mot. Les livres importants esquivent les catégories : on sait simplement que leur voix est essentielle – qu’elle fait tenir le monde.
Dans son livre Cinq Femmes (Gallimard), Marcel Cohen revient « sur la scène intérieure » de sa vie, avec une question : l’amour peut-il s’épanouir après…
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