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Une recension de Philippe Nassif, publié le

L’Américain Matthew Crawford est un philosophe original. Du genre à abandonner son emploi universitaire pour s’en aller réparer des motocyclettes, comme il le racontait dans Éloge du carburateur, consacré aux vertus édifiantes du travail manuel. Ce second opus, ambitieux, prend pour point de départ la fragmentation menaçante du moi provoquée par l’actuelle « crise de l’attention ». La faute aux sollicitations technologiques incessantes ? Pas exactement. Car si nous voulons vraiment comprendre ce qui nous arrive, argumente Crawford, il nous faut d’abord déconstruire l’idée de l’homme comme volonté libre, autonome, rationnelle, héritée de la philosophie des Lumières, de Locke à Kant. Notre puissance d’agir nous vient moins de notre capacité à délibérer intérieurement et à mettre à distance le réel, que de la possibilité de nous ancrer dans l’expérience vécue via nos compétences pratiques. Il le montre en s’appuyant autant sur les travaux du psychologue James Gibson, théoricien d’une « cognition étendue » que sur les exemples du cuistot au moment du coup de feu, du motard anticipant une collision ou des fabricants d’orgues d’église, qui enrichissent sans cesse leur geste en se ressourçant du côté des savoirs anciens. On a rarement lu un éloge de la main et de la tradition aussi progressiste. C’est qu’il s’agit désormais de reprendre « contact » avec le monde qui nous entoure pour mieux couper court aux distractions qui nous assaillent.

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