Homo Sacer : Tome 5, Opus Dei - Archéologie de l'office

Une recension de Noémie Issan-Benchimol, publié le

1_Office, liturgie, mystère

L’opus dei (« œuvre de Dieu ») est le terme consacré pour désigner la liturgie chrétienne. Ce culte public, lors de l’office, est essentiel au christianisme puisqu’il réitère et réalise l’action salvatrice du Christ par le biais du ministre officiant. Il possède pour Agamben la nature d’un mystère, au sens des anciens mystères grecs, qui étaient «des actes, des gestes, à travers lesquels une action divine se réalisait pour le salut de la communauté». Un véritable drame théâtral.

 

2_Réalité effective, agent opératif

Si la liturgie est un drame, le prêtre qui officie n’en est pas l’acteur, sinon en un sens dérivé : le véritable acteur, c’est le Christ. L’officiant n’est qu’un «instrument animé», tout entier confondu avec sa fonction, vidé de sa substantialité. «Le sacerdoce est cet étant dont l’être est immédiatement une tâche et un service: une liturgie», écrit Agamben.

L’Église a ainsi scindé l’action en autonomisant sa «réalité effective» du «sujet qui l’accomplit». Agamben voit dans cette neutralisation de l’être par l’opération, la source d’un nouveau fonctionnement ontologique et politique dont l’adage pourrait être : peu importe qui le fait, du moment que c’est fait.

À la fois absolument nécessaire (comme agent opératif) et dérisoirement inutile, «factice et fonctionnel», le sacerdoce est l’ancêtre de l’employé.

 

3_Commandement, devoir-être

Cette esquisse d’une ontologie d’un dehors sans dedans, où «n’est réel que ce qui est effectif et, comme tel, gouvernable et efficace», a permis que nous devenions des êtres de commandement. S’il n’y a plus de sujet (sub-jectum, « jeté dessous »), alors il n’y a plus de retrait en soi possible. L’ontologie du devoir-être, ce pur commandement sans contenu «privé de fondement et d’horizon» marque notre vie.

À travers cette remontée aux origines chrétiennes de notre ontologie politique, Agamben entend expliciter la naissance de ce que Michel Foucault appelait la « biopolitique », c’est-à-dire le pouvoir qui s’exerce sur la vie même, les corps et les individus.

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