L’Accélération de l’histoire 

Une recension de Jean-Marie Durand, publié le

Comme la souris Speedy Gonzales du dessin animé, nous crions souvent intérieurement « ¡ Ay, caramba ! » pour nous ajuster au tempo des pratiques sociales. Sans avoir forcément lu Hartmut Rosa, Reinhart Koselleck ou François Hartog, auteurs de référence sur la question, beaucoup pressentent que l’accélération de l’histoire qualifie le temps présent. Elle renvoie à la surabondance d’événements qui défilent à un rythme toujours plus élevé, dans un pur présent qui occulte passé et futur. Pourtant, comme l’analyse Christophe Bouton dans une enquête visant à déconstruire autant qu’à clarifier la thèse de l’accélération de l’histoire, ce thème a émergé dès le début de la Modernité. En France, l’Essai sur l’accélération de l’histoire de Daniel Halévy (1948) attire l’attention sur ce concept, dont le sociologue Hartmut Rosa a élargi le sens. Ce dernier a en effet théorisé une accélération universelle du changement social, qui vaut pour la politique, la science, l’éthique ou la vie privée. Un peu fourre-tout, la catégorie d’accélération a ainsi connu depuis les années 1970 « une forte montée en généralité » : « elle n’est plus l’accélération de quelque chose, mais accélération tout court ». Elle devient, à l’image d’un train fou sans conducteur, un mouvement autoalimenté : « l’accélération s’accélère toute seule ». Pourtant, cette catégorie historique dominante qu’est le présentisme n’a pas effacé des imaginaires sociaux d’autres régimes d’historicité, tels que l’utopie (transformer le monde) et, surtout, « l’eutopie » (préserver la planète) à l’heure de l’Anthropocène. Caractérisée par la conscience de l’urgence climatique, cette nouvelle « grande accélération » appelle une autre accélération, politique, qui devra être à sa hauteur, sans quoi l’histoire s’arrêtera pour de bon. Derrière la monochronie de l’accélération, Bouton défend ainsi l’idée d’une « polychronie » propre à la modernité. Elle est une contribution essentielle à la compréhension de nos sociétés, où les manières d’éprouver le temps historique s’affrontent à la mesure des désaccords sur l’art de s’inscrire dans le monde en devenir.

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