Le Grand Contournement
Une recension de Arthur Dreyfus, publié leZoomons sur un tableau de Cézanne : on ne voit pas grand-chose. Reculons d’un pas : un paysage naît, fruit de mille touches. Ainsi se déploie l’écriture d’Alexis Anne-Braun qui, dans son deuxième roman, croque le portrait d’une ZAD imaginaire, racontée par celles et ceux qui l’ont rêvée : quatre personnages se désignant comme la duchesse, la rageuse, le cynique et la pédale, liés par une utopie : bloquer le projet autoroutier du Grand Contournement Ouest.
Alors on s’assied au coin du feu pour isoler le point du feu. Cette goutte d’eau qui fait déborder le vase social, quand Fayçal n’en peut plus d’être taxé de métèque, Magali de grosse, Félix de pédé, ou qu’on s’avise que « la France, ses problèmes comme ses solutions, gravite […] autour du concept de la grande vitesse : la différenciation sociale, les cookies Michel et Augustin, les Relay Gare, Guillaume Musso et Michel Onfray pour ce qui est du train ; les sandwiches au thon Sodebo, […] les étoiles Michelin, Mappy et Vinci pour l’autoroute ». Dans ce roman bâti comme un monologue à quatre voix, s’esquisse le portrait d’un pays aux abois, coincé entre les revendications des « gilets jaunes » et la laideur péri-urbaine. La dissection sera cruelle : « Pour faire dérailler la machine, il faut comprendre sur quoi elle roule. »
Mais l’originalité du texte tient à son style brut et brutal. À mi-chemin entre la sagacité d’un Houellebecq, la rumination d’un Péguy et les punchlines d’un Booba. Car l’auteur brille surtout lorsqu’il énumère, peignant ici « un collège qui sent la bouse de vache, les déodorants Adidas et le Vivelle Dop “effet mouillé”, le colza ou le tilleul quand ils sont en fleur et le diesel à dix-sept heures », là cet âge où « les sneakers et le courage de se battre sont les seules monnaies d’échange dans le royaume des bisous et des fellations ».
L’humour est-il toutefois la qualité première des insurgés ? L’auteur ne cache pas son geste politique. Sous couvert de dialogue platonicien, le prof de philo sait poser les questions qui fâchent : peut-on taper sur un flic qui, après son service, se sert un verre de Yop à la fraise ? La France est-elle devenue un pays de droite, ou de cons ? Jusqu’à ce constat épineux en guise de morale : « Il faut pratiquement plus de temps et de larmes pour transformer le cœur d’un homme que la gueule d’un paysage. »
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