Vivre sans
Une recension de Frédéric Manzini, publié leSans sucre, sans lactose, sans huile de palme, sans colorant, sans phosphate, sans sulfite, sans parabènes… Et puis quoi encore ? À croire que le « sans » est désormais la norme de toute consommation, s’étonne Mazarine M. Pingeot : « Par un tour de passe-passe extraordinaire, on a su transformer l’absence en valeur, le manque en objet de convoitise, et des mots parfois inconnus jusqu’alors (gluten, lactose et autres “allergènes”) […] en repoussoirs. » Nouvel argument marketing qui additionne les soustractions pour mieux vendre ses produits ? Oui, mais pas seulement, estime la romancière et philosophe qui, après La Dictature de la transparence (Robert Laffont, 2016), poursuit son analyse de notre société contemporaine. Car, « dans la promotion du “sans”, il y a une tentative de donner un sens », explique-t-elle : à la fois meilleur pour la santé et pour la planète, le « sans » représente une consommation vertueuse, qui, à défaut d’apporter du plaisir, permet de s’acheter une bonne conscience propre, nette et sans bavure, c’est-à-dire sans culpabilité. Tout irait pour le mieux si, précisément, ce « sans » ne cachait et ne consacrait pas une modernité satisfaite de sa toute-puissance prométhéenne qui a réussi le tour de force d’adapter l’économie de marché à la menace écologique. Et pourtant, Pingeot ose le paradoxe : aujourd’hui, « le manque manque », comme si l’humanité ne supportait plus sa propre finitude et se refusait à assumer des défaillances qui pourtant la constituent. « L’être est-il un plein, comme l’est par exemple le monde virtuel d’où toute la souffrance est bannie, où la mort n’a pas lieu, où le négatif est toujours converti en positif ? » Belle occasion de revisiter l’histoire de la philosophie qui fait s’entrecroiser le manque et le plein, le désir d’être et le désir d’avoir, l’hubris ou la pléonexie – autrement dit, ce désir d’avoir plus que sa part. Et de nous inviter à nous demander dans quelle mesure nous avons besoin de manquer pour exister – ce qui est un comble.
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