10 juin 2013. Chère Nadejda,
J’avoue m’être senti honteux à la lecture de votre réponse. Vous écrivez : « Vous culpabilisez en vain d’être plongé dans la réflexion théorique alors que je suis soumise à des “privations très concrètes”. » Cette remarque m’a fait prendre conscience de ma maladresse.
La formule de sympathie qui concluait ma dernière lettre équivalait en effet à dire : « Moi, je peux me permettre de théoriser et de vous donner des leçons ; vous, vous n’êtes qu’un simple témoin. » Votre dernière lettre montre que vous êtes bien plus que cela. Vous êtes une partenaire à égalité dans notre dialogue théorique. Je vous présente donc mes excuses les plus sincères, en espérant que la condescendance machiste que recouvrait cette expression de ma compassion n’empêchera pas la poursuite de notre conversation.
«Dans notre dialogue théorique, nous sommes des partenaires à égalité»
Slavoj Žižek
Venons-en à notre principal différend. Pour vous, les structures antihiérarchiques et les rhizomes du capitalisme tardif ne font que masquer une normalisation et des structures hiérarchiques. Sous couvert de libre créativité, les conditions de production matérielle restent inchangées, statiques, centralisées et hiérarchiques. Je suis d’accord avec vous, mais jusqu’à un certain point seulement. Certes, la dynamique prétendument postmoderne du capitalisme mondial recouvre des structures de domination et d’exploitation profondément ancrées. Mais ces structures de domination et d’exploitation sont-elles vraiment inchangées ? Ce célèbre passage du Manifeste du parti communiste reste plus que jamais d’actualité : « La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c’est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux. Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux, figés et couverts de rouille, avec leur cortège de conceptions et d’idées antiques et vénérables, se dissolvent ; ceux qui les remplacent vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané. »
Après l'homme d'affaire Mikhaïl Khodorkovski, Maria Alekhina et Nadejda Tolokonnikova, membres des Pussy Riot incarcérées en Russie, ont également…
Dans un entretien exclusif accordé avant l’énoncé du verdict, l’une des Pussy Riot, Nadejda Tolokonnikova, revient sur leur geste, qu’elle inscrit…
L'appel lancé par un collectif de philosophes européens à l'initiative de Philosophie magazine pour la libération des membres des Pussy Riot…
C’est l’un des philosophes les plus connus et controversés au monde. Slavoj Žižek revient en force avec la parution en France de Pour défendre les…
Un jour, en automne 2012, lorsque je me trouvais encore en détention provisoire, à Moscou, avec deux autres activistes de Pussy Riot, je vous ai rendu visite. En rêve, bien entendu.
Intervention. Dans la tribune qu'il a tout récemment signée sur notre site, le philosophe Maurizio Ferraris s'élève contre l…
[Actualisation : François Chérèque, ancien leader de la CFDT, est mort le lundi 2 janvier 2017] Et si, contrairement à une idée reçue, le problème…
« Il faudra bien que la Russie se retrouve face à elle-même. » En préfigurant la possibilité qu’un jour, la guerre en Ukraine dans…