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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© François-Xavier Rigaud

Reportage

Afrique du Sud, cap sur l’utopie

Yolène Dilas-Rocherieux, Serge Latouche, propos recueillis par François-Xavier Rigaud publié le 28 août 2012 15 min

Loin des stades, dans les collines de la Wild Coast, une poignée de jeunes gens venus du monde entier, sans distinction de couleur, tentent de fonder une société idéale. Signe des temps, les membres de cette communauté se veulent a-politiques et sans idéologie. S’ils vivent près de la nature, c’est pour être heureux. Un but louable, ne serait-ce l’arrivée de quelques tensions…

Cela ressemble à un cul-de-sac. Pas une âme qui vive et un silence profond. Je suis seul le long d’une piste poussiéreuse engloutie par la forêt sans fin qui recouvre les collines de la Wild Coast (côte sauvage), réputée pour ses réserves naturelles et ses plages désertes, où se côtoient hippies, surfeurs et peuple xhosa, et qui a vu naître Nelson Mandela. Seule une pancarte en bois avec les initiales « KD » m’indique que je suis dans la bonne direction. Quelques heures plus tôt, je me trouvais à East London, la première grande ville, à 80 km de là. Un bus m’a déposé à une intersection de la Nationale 2, la route qui traverse le Cap oriental d’est en ouest. Un panneau y indiquait la direction « Kei Mouth », l’embouchure du Kei, commencement du Transkei, la région la plus rurale et la plus pauvre d’Afrique du Sud. Une camionnette m’a pris en stop. Dans un bruit assourdissant, sur une piste chaotique, elle a dégringolé et grimpé les collines qui s’enchaînaient. L’antiquité filait vers Haga Haga, petit village de pêcheurs au bord de l’océan Indien. Après un quart d’heure de route, le chauffeur me fait signe de descendre. Il me désigne la pancarte « KD » et m’explique dans un anglais approximatif que je dois marcher dans cette direction pour y arriver.

La Wild Coast porte bien son nom, c’est un endroit hostile, peu peuplé, difficilement cultivable, mais une vingtaine de personnes venues du monde entier l’a élu pour « grandir sur le chemin de la connaissance » : Khula Dhamma, ou « KD ». Tel est le nom du village, de khula, mot xhosa signifiant « grandir », et dhamma, issu d’un ancien langage indien, se traduisant par « chemin de la connaissance ». Avec pour unique bande-son le chant des oiseaux et le bruit de mes pas, je marche pendant près de trois quarts d’heure sur un chemin accidenté lorsque j’arrive enfin dans une carrière baignée de soleil. Un feu éteint, entouré de bancs vides, signale une récente présence humaine. Un grand gars chauve s’approche. L’homme, la trentaine, avec pour seuls vêtements une serviette de bain et un tee-shirt, semble à son aise. « Tu es le journaliste ? me demande dans un français parfait, Yan, Hollandais, depuis sept ans ici. Je te fais visiter. »

« Nos maisons sont en matériaux naturels. Notre but est l'autosuffisance. Les panneaux solaires produisent notre l'électricité et nous nous nourrissons presque des produits de nos jardins »

Réparti sur environ 300 hectares, le village a une organisation simple, divisé en trois sections. Tout d’abord, les parties communes, composées d’une grande maison inoccupée et délabrée, utilisée pour les meetings et pour le logement des visiteurs de passage. Préexistante à la communauté, la demeure a été construite par un paysan qui, en 2000, a vendu ses terres aux fondateurs de KD. Face à cette vieille maison, se dresse ensuite une grande bâtisse en cours de construction. « C’est notre grand projet. Nous créons un centre d’éducation afin de former les autochtones à différents métiers artisanaux. Aujourd’hui, il n’y a pas de travaux, car certains membres de la communauté sont partis pour des fêtes. Mais, habituellement, c’est la ruche », explique Yan. Enfin, à l’arrière des parties communes se situent les maisons des « historiques ». Des habitations en terre cuite, couvertes de toits en paille posés sur des charpentes en bois. « Nous avons construit nos maisons avec des matériaux naturels, détaille mon guide. Notre but est l’autosuffisance. Les panneaux solaires produisent notre électricité et nous nous nourrissons presque exclusivement des produits de nos jardins. » La visite se termine par le « lotissement » des derniers arrivés, établis pour la plupart il y a moins de deux ans. Situé le long de la rivière Quko, en contrebas des quartiers principaux, l’endroit regroupe une demi-douzaine d’habitations lesquelles, avec leurs toits pointus, ressemblent aux huttes classiques des paysans sud-africains.

Je suis invité à déjeuner chez Yan et Alexandra, sa femme, les cofondateurs de KD, avec leur ami sud-africain. Yan est né à Amsterdam, Alexandra vient de Normandie, ils se sont rencontrés en Inde. Elle travaillait alors dans une ONG française, il voyageait. Ils m’expliquent la raison d’être de leur communauté. « Tout est dans le nom : Khula Dhamma, grandir sur le chemin de la connaissance. Pour prendre sa vie en main, s’attacher à l’essentiel, il fallait créer un environnement sain que l’on ne pouvait trouver que dans un lien profond et sacré avec la nature. »

La nature est au cœur de leur discours. Une nature qui représenterait le bien, opposée à la ville qui serait le mal. « Vivre en ville est déshumanisant. Métro, boulot, dodo, les citadins perdent leur âme et, surtout, le rapport au réel. Tout est trop facile : on tourne un robinet et l’eau coule, on appuie sur l’interrupteur et la lumière s’allume. Sans aucune conscience du système mis en place pour que cela fonctionne », soutient Yan. Khula Dhamma serait-elle une tentative « anticivilisationnelle », une volonté de faire revenir l’homme au plus proche de l’état de nature, comme le décrivait Jean-Jacques Rousseau ? Dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, le philosophe français opposait l’homme à l’état de nature, fondamentalement bon, à l’homme socialisé, perverti. Un homme sauvage « sujet à peu de passions, et se suffisant à lui-même, […] (qui) n’avait que les sentiments et les lumières propres à cet état, […] (qui) ne sentait que ses vrais besoins, ne regardait que ce qu’il croyait avoir intérêt à voir […] » Comme « l’homme sauvage », les habitants du village doivent assurer leur autosuffisance. KD est également un lieu où les « passions » sont réduites au minimum. Tentations, ambitions et rivalités professionnelles sont quasi inexistantes. Mais, si pour l’auteur du Contrat social, « l’homme sauvage » n’est ni doué de langage ni socialisé, la communication reste la pierre angulaire de la communauté. Des cercles d’écoute et de dialogue, auxquels participent chaque semaine tous les membres, sont des événements « sacrés » dans le calendrier. KD maîtrise aussi la communication grâce à un site Internet qui relate tous les événements du village. Une modernité que l’on retrouve en agriculture : la permaculture – agriculture pérenne et autonome – n’a pas de secret pour KD. Selon Yan, « la communauté ne prône pas un retour en arrière technologique. Si la science sert la cause de la nature, nous l’acceptons ».

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