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“Le Cauchemar” (1810, détail), huile sur toile, 75 x 95 cm, par Johann Heinrich Füssli (1741-1825). © Collection particulière

Au cœur des ténèbres

Cédric Enjalbert publié le 28 octobre 2022 3 min

Noir, c’est noir ! Ce n’est pas seulement la perspective de fêter les morts qui inspire à Cédric Enjalbert cet hommage impromptu à Johnny. Il consacre son billet au peintre du “romantisme noir” Johann Heinrich Füssli, à qui le musée Jacquemart-André, à Paris, consacre une exposition.


« Non, je ne parlerai pas de Johnny. Ce sont deux autres artistes qui font l’actualité. La disparition de Pierre Soulages, à l’âge de 102 ans, a ainsi braqué le projecteur sur ses toiles lumineuses et sur sa recherche infinie de l’“outrenoir”, un “au-delà du noir, une lumière transmuée par le noir”. Le peintre voyait dans cette couleur une matière à sensations, dont il a sondé toute sa vie les “qualités concrètes” plutôt que l’ambivalence symbolique. Cette dimension métaphorique, un autre artiste versé dans les obscures clartés l’a explorée avec génie : Johann Heinrich Füssli (1741-1825).

Entre rêve et fantastique : c’est le titre de l’exposition que lui consacre le musée Jacquemart-André, à Paris (jusqu’au 23 janvier 2023). Elle y retrace les obsessions de ce Suisse ordonné pasteur fuyant en Angleterre après un scandale, où il commence à peindre en autodidacte. Füssli n’est pas seulement un voyageur manifestant l’esprit européen – passé en Allemagne, il se rend en France, où il fait la connaissance de David Hume et de Jean-Jacques Rousseau (à qui il consacre un essai), puis en Italie, où il se forme en fréquentant les chefs-d’œuvre des maîtres, comme Michel-Ange. Il incarne aussi un tournant dans l’histoire des idées. Alors qu’au XVIIIe siècle, les Lumières marquent le recul de la religion et l’essor des sciences, Füssli laisse, lui, s’exprimer la part d’ombre qui nous travaille. Chez lui, les forces maléfiques ne sont plus des entités extérieures ; elles passent au dedans, et l’infini se retrouve dans le cœur de chacun. Cette nouvelle sensibilité prendra le nom de “romantisme noir” dans les années 1930. Comme nous l’expliquait l’essayiste Annie Le Brun, qui fut en 2013 la commissaire d’une exposition au musée d’Orsay consacrée à ce courant littéraire et pictural : “Le noir est un inconnu, il recouvre une absence de maîtrise qui fascine, que seule la représentation nous permet d’appréhender, en donnant forme à ce qui nous torture et nous hante. Voici le point départ de la psychanalyse : nommer et représenter. Le Cauchemar de Füssli est la clé de cette sensibilité qui point à la fin du XVIIIe siècle. Le tableau illustre toutes les inquiétudes de l’époque, la sensibilité nouvelle portée non plus vers une transcendance, une divinité régulatrice, mais vers l’individu, en prise avec le monde.”

Le Cauchemar nourrira effectivement la réflexion psychanalytique de Freud et les rêveries surréalistes. Füssli présente la première version en 1782, qu’il décline dans des variations, diffusées sous forme de gravures. Ce faisant, il s’émancipe des règles académiques pour tendre au “sublime” théorisé par le philosophe Edmund Burke dans sa Recherche philosophique sur l’origine de nos idées du sublime et du beau, en 1757. Pour lui, “Tout ce qui est propre à exciter les idées de la douleur et du danger ; c’est-à-dire, tout ce qui est en quelque sorte terrible, tout ce qui traite d’objets terribles, tout ce qui agit d’une manière analogue à la terreur, est une source du sublime ; ou, si l’on veut, peut susciter la plus forte émotion que l’âme soit capable de sentir”. Cette “terreur délicieuse” ne répond donc pas aux critères habituels du “beau” – proportion et perfection. Elle naît du ravissement dans les ténèbres, d’un éblouissement face à l’infini, en soi comme au dehors. N’est-ce pas notre condition humaine ? “Nous n’avons que le choix du noir”, écrit Victor Hugo, qui prolonge le geste romantique en cherchant la lumière dans la noirceur de son encre. Nous n’avons d’autre choix, note-t-il dans sa réflexion sur William Shakespeare, car “l’homme qui ne médite pas vit dans l’aveuglement, l’homme qui médite vit dans l’obscurité”. Fiat lux ! »

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