À la poursuite d’Annie Le Brun, au cinéma
Appel d’air, De l’éperdu, Ailleurs et autrement… Comme en témoigne les titres de ses œuvres, la trajectoire poétique, critique et philosophique d’Annie Le Brun est fondée sur une échappée, sur une ouverture imaginaire, sur une brèche creusée sans relâche dans l’horizon, pour l’élargir.
En se mettant « à la poursuite d’Annie Le Brun », la cinéaste Valérie Minetto savait donc partir en voyage, dans une errance dynamique, qui la mènera des rues de Paris aux places de Zagreb en passant sur les plages de Saint-Malo. L’excursion, bien entendu, est tout autant littéraire, hors des clous, contre les penseurs en rond et les avant-gardes prudentes. Valérie Minetto trace sur ces pas l’itinéraire d’une résistance, d'« une attitude devant la vie, dont la véritable radicalité aura consisté autant à en refuser la misère qu’à y chercher l’émerveillement. C’est en ce sens que chacun peut s’y retrouver », comme le dit Annie Le Brun, parlant du surréalisme, mouvement auquel elle a participé jusqu’à sa dissolution en 1969, en renouvelant la lecture de Sade. Une lecture dont elle a montré la puissance lors de l’expositon Sade. Attaquer le soleil, présentée récemment au musée d’Orsay.
Dans le métro, sur les murs décrépis, dans le ciel nuageux, entre le feuillage bruissant des arbres ou dans les flaques d'eau: Valérie Minetto recherche dans chaque recoin du quotidien un écho à cet émerveillement poétique dont Annie Le Brun a fait profession, cherchant une bordée pour échapper à ce « trop de réalité », plaidant sans faiblir pour une « insurrection lyrique » contre le gavage de la société marchande. « Je ne sais pas où je vais mais je sais ce que je méprise », souffle Annie Le Brun. Ce qu’elle méprise ? La bêtise d’abord. « Pour ce qui est de la bêtise, ce n’est pas difficile, il y a une évidence de pesanteur qui ne trompe pas, un alourdissement de l’atmosphère qui provoque toujours en moi une impulsion de “sauve-qui-peut” », écrit-elle.
Ce sauve-qui-peut en forme de sauf-conduit, un acteur l’emprunte avec elle, partageant cette tentation de la tangente, fuyant à toute jambe la « censure par l’excès » et l’obscénité : Michel Fau, le second acteur de cette variation poétique filmée, sur le thème de l’échappée. Immense lecteur et remarquable interprète, il lit dans des textes d’Annie Le Brun, en alternance avec les entretiens, empruntant à sa suite et avec délice les « souterrains de la sensibilité ».
Leur trajectoire se croise, sans pourtant presque jamais se rencontrer. Une fois seulement, Valérie Minetto filme une rencontre muette entre eux deux, suscitant la déception tant la curiosité est grande d’entendre ce que ces deux esprits libres, à l’univers si riche, peuvent se dire. Nous n’en saurons rien ; à chacun de remplir ce vide. Comment ? Il n'existe aucune méthode, et seulement le recours possible à des « intelligences singulières ». Un conseil toutefois: nous ne saurions trop vous inciter à prendre une bouffée d’air avec Annie Le Brun en lisant ses merveilleux textes – Les Châteaux de la subversion, Si rien avait une forme, ce serait cela, Appel d’air –, à vous envoler avec Michel Fau dans l’une des ses fantasques chevauchées dramatiques. Et donc à voir cette Échappée qui parvient à dégager une ligne de mire salutaire, contre toutes les servitudes volontaires.
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