Bruno Tertrais : “Nous entrons dans une guerre tiède entre les pays démocratiques et les nouveaux empires”
Dans La Guerre des mondes (L’Observatoire, 2023), le spécialiste des questions de sécurité internationale Bruno Tertrais affirme que nous entrons dans une nouvelle époque, marquée par le retour des conflits armés entre démocraties et néo-empires chinois, russe, iranien ou turc. Un conflit mondial est-il à craindre ? Pas forcément, répond-il, mais les espoirs de la fin de la guerre froide doivent être sévèrement révisés.
Vous annoncez dans La Guerre des mondes le retour de la géopolitique, des rapports de force territoriaux et souvent guerriers entre États. La guerre entre Israël et le Hamas vient-elle confirmer cette analyse ?
Bruno Tertrais : Les quatre néo-empires dont j’analyse le comportement dans le livre sont concernés par le conflit. L’Iran bien sûr, allié du Hamas et du Hezbollah, et qui porte une part de responsabilité dans l’attaque du 7 octobre même si on n’en connaît pas encore l’ampleur. La Turquie n’a pas eu de rôle dans l’attaque mais l’islamo-nationalisme de M. Erdoğan est proche de l’idéologie des Frères musulmans. Il était coorganisateur de l’opération « Flottille pour Gaza » en 2010. La Russie est impliquée à double titre. D’abord en tentant d’accroître les divisions au sein des pays occidentaux. Dès l’après-midi du 7 octobre, ses trolls s’étaient déchaînés sur les réseaux en suggérant que c’est l’Ukraine qui a armé le Hamas. On sait que Moscou était aussi impliqué dans des opérations de manipulation sur le sol français. Et tout ce qui peut détourner le regard de la guerre en Ukraine lui bénéficie. Le raisonnement vaut aussi pour la Chine : elle n’est pas impliquée mais elle se pose en défenseur des peuples soi-disant opprimés par l’Occident, y compris les Palestiniens, et se réjouit que l’attention soit détournée de Taïwan… On peut replacer l’agression du Hamas dans le cadre de ce que j’appelle la guerre des mondes, cet affrontement entre deux familles politiques, l’une plutôt démocratique et libérale, l’autre plutôt autoritaire et même sujette à des pulsions génocidaires, comme on l’a vu en Ukraine, dans le Caucase et plus récemment en Israël. Le sénateur Claude Malhuret a dit : « C’est la guerre des dictatures contre les démocraties ; elle est mondiale. » Je partage ce point de vue, même si l’expression est simplificatrice.
“‘C’est la guerre des dictatures contre les démocraties ; elle est mondiale’, a dit Claude Malhuret. C’est une expression simplificatrice, mais juste”
Le spécialiste des questions internationales Bruno Tertrais diagnostique un retour des rapports de force entre pays démocratiques et grandes…
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