Célestin Monga. Le banquier nihiliste

Vincent Valentin publié le 4 min

Célestin Monga, économiste à Harvard, a connu les geôles du Cameroun avant de devenir conseiller à la Banque mondiale. Conciliant scepticisme et action, cet adepte des philosophes de l’absurde affirme qu’une autre Afrique est possible.

La vie de Célestin Monga est aussi étonnante qu’énigmatique. Du lycée technique de Douala, au Cameroun, au poste de conseiller du vice-président de la Banque mondiale, en passant par Harvard et la Sorbonne, son parcours professionnel impressionne. C’est surtout sa trajectoire philosophique qui intrigue : cet adepte du pessimisme et des philosophes de l’absurde comme Schopenhauer, Cioran ou Leopardi s’est engagé dans des programmes de développement. Comment concilier nihilisme et aide à la croissance, dégoût pour la vie et soutien de celle d’autrui ? Son dernier livre, Un Bantou à Washington, témoigne de cet itinéraire singulier. Célestin Monga y a ajouté un texte plus ancien, « Un Bantou à Djibouti », carnet de voyage d’un tout jeune homme désenchanté et rêveur. L’auteur y raconte une vie partagée entre le souci de soi et la compassion pour les plus démunis, entre les États-Unis, lieu d’un exil libérateur mais parfois douloureux, et l’Afrique, quittée mais jamais abandonnée, toujours au cœur de ses travaux d’économiste.

Il s’agit moins de se justifier que de témoigner. Aussi, Célestin Monga semble peu préoccupé par la cohérence de son parcours. Est-ce un problème, l’unité de l’être ? N’est-ce pas une façon absurde de considérer l’existence ? « Ce n’est pas à un Camerounais ayant été lui-même à la fois objet et bénéficiaire de toutes les injustices imaginables que l’on fera croire à l’idée platonicienne de “la” vérité, ou que l’on vantera l’infaillibilité du sujet kantien, dépositaire de sagesse, hiératique et souverain. » Pour cet homme convaincu que le moi est une illusion, il est plus facile d’assumer l’évanescence de la vie et d’admettre, comme Pessoa qu’il aime à citer, que « vivre, c’est être un autre ».

Expresso : les parcours interactifs
La dissertation
Une dissertation n’est ni un journal intime, ni une restitution de cours. Pour éviter le hors-sujet, il faut savoir approcher l’énoncé et formuler une bonne problématique. 
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