“C'est novembre en juillet” : pourquoi météo et climat sont deux choses différentes

Si comme bien d’autres régions du monde, le Sud de la France est frappé de chaleurs caniculaires, le Nord de l’Hexagone profite ces derniers jours d’une certaine fraîcheur. N’est-ce pas la preuve, affirment en chœur les climatosceptiques, que le réchauffement climatique est une fiction ? Absolument pas. Car la météo n’est pas le climat !

Nous sommes au milieu de l’été ; il fait 18°C à Paris et la pluie ne cesse de tomber. Alors, « réchauffement climatique mon cul », comme le disent de nombreux internautes depuis quelques jours sur Twitter – pardon, X ? Aucunement : affirmer, au motif que le soleil se fait discret en certains points du globe, que la planète ne brûle pas, c’est confondre météo et climat.

• Météo : la météo, c’est le temps observable, palpable, vécu, qu’il fait à un instant t dans un endroit donné. Elle relève du temps court : celui de l’événement, aussi éphémère que le météore qui traverse le ciel. La météorologie s’efforce d’anticiper, très localement, le temps à venir dans quelques heures ou quelques jours.
• Climat : le climat est beaucoup plus abstrait, il n’est jamais éprouvé directement mais par l’entremise de médiations (de calculs, de modélisations, etc.). Il permet une description statistique des dynamiques atmosphériques en termes de moyennes dans une région donnée. Le climat est affaire κλίμα (klima) : d’inclinaison de la Terre par rapport au soleil, laquelle varie au cours de l’année, et métaphoriquement de tendance sur le moyen ou le long terme (en général trente ans). Il identifie aussi bien des récurrences que la modification des valeurs moyennes entre des intervalles de temps données.

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Une journée exceptionnelle à 0°C est assurément un événement météorologique. Mais si cette température reste une exception qui ne modifie pas les tendances globales, elle n’est pas un événement climatique ; l’écart sera in fine lissé par le passage à la moyenne. En revanche, si une augmentation infime de la température peut passer inaperçue aux yeux météorologiques, elle devient un événement climatique dès lors que cette augmentation est récurrente et qu’elle modifie la moyenne des températures sur un mois ou une année.

Le climat, en somme, ne peut fournir de prévisions détaillées ; mais il indique les tendances globales en matière de températures, de précipitations, etc. sur les années et les décennies à venir. C’est ce qui fait sa force ; mais c’est également ce qui fait sa relative faiblesse face aux cohortes de climatosceptiques qui se saisissent du moindre redoux hivernal ou de la moindre fraîcheur estivale pour nier le réchauffement de la planète. Le climat est d’abord un concept : il existe sur un plan résolument déconnecté de l’expérience vécue.

La météo, au contraire, possède une forme d’évidence, d’immédiateté. C’est même, dans une certaine mesure, la première expérience d’une communauté d’existence. Nous parlons sans cesse de météo car nous sommes ensemble, sous un même ciel, soumis aux mêmes caprices atmosphériques, aux mêmes variations, aux mêmes catastrophes. Comme le note Peter Sloterdijk dans Sphères III (Libella Maren Sell, 2004), avec le développement moderne de la météo, les « grandes communes modernes […] se transforment en voisinages villageois dans lesquels on échange des points de vue sur l’idée qu’il fait trop chaud, trop froid, trop humide ou trop sec pour la saison ».

Le climat rend beaucoup plus difficile cette communication d’une expérience partagée. Il englobe des régions qui de jour en jour, d’un point à l’autre, connaissent parfois de très grandes disparités météorologiques locales. Problème d’identification tout particulièrement exacerbé dans le cas du climat mondial, qui est au coeur de l’étude du réchauffement climatique. Les dynamiques atmosphériques forment un tout interconnecté ; nous sommes dans le même bateau. Mais, entre un ouragan en Floride, une sécheresse hivernale en France et des pluie diluviennes en Inde, la disparité des effets mine notre capacité à ressentir concrètement notre coexistence sous un même ciel, dans un même monde. Une bonne raison, s’il en fallait, pour poursuivre le travail d’explication et d’explicitation de ce dont il est question quand on parle de réchauffement climatique.

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