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Christophe Dejours, Guillaume Erner et Nicolas Klotz. © Hannah Assouline ; Gallimard via Opale/Leemage ; Frédéric Poletti/Opale/Leemage.

Dejours, Erner, Klotz. Barbare, l’entreprise ?

Nicolas Klotz, Guillaume Erner, Christophe Dejours, propos recueillis par Juliette Cerf publié le 24 octobre 2007 9 min

Suicides, dépressions, stress, surmenage… Ces maux touchent de plus en plus de salariés. Pour le réalisateur de La Question humaine, Nicolas Klotz, qui relie capitalisme et nazisme, l’entreprise considère ses agents comme des êtres superflus. Le psychiatre Christophe Dejours met en cause un mode d’organisation du travail déshumanisant et évoque le concept de banalité du mal développé par Hannah Arendt. Face à eux, le sociologue Guillaume Erner récuse tout rapprochement entre l’idéologie nazie et le management.

Après les drames qui ont touché les usines Renault puis Peugeot-Citroën (lire l’encadré ci-dessous), le mal-être au travail revient au centre des débats sur le management. Dans son livre Souffrance en France, le psychiatre et psychanalyste Christophe Dejours décortique les mécanismes de collaboration à l’œuvre dans la « guerre économique » moderne. Mettant à jour une nouvelle « banalisation du mal » dans le monde du travail, il s’appuie sur Hannah Arendt pour dénoncer l’injustice sociale. Un parallèle entre nazisme et capitalisme qui suscite la polémique, ravivée par la sortie du film La Question humaine de Nicolas Klotz, écrit par Élisabeth Perceval d’après le récit de François Emmanuel. Un cadre obéissant y est confronté à un inquiétant surgissement de l’histoire nazie dans son quotidien d’entreprise. En réaction à notre entretien avec Christophe Dejours (lire Philosophie magazine no 12), le sociologue Guillaume Erner, auteur d’Expliquer l’antisémitisme et de La Société des victimes, dénonce le rapprochement entre industrie et déportation, inapte à appréhender la Shoah comme à réformer le système libéral. Dans un débat ouvert, le cinéaste, le psychiatre et le sociologue reviennent sur l’inquiétante banalité du mal.

 

Christophe Dejours : On assiste à une détérioration des conditions du travail. Depuis le XIXe siècle, de grandes avancées avaient pourtant été réalisées. Mais, aujourd’hui, on est à un tournant. Un nouveau principe d’organisation se met en place, fondé sur l’évaluation individualisée des performances et appuyé par l’outil informatique. L’idée d’évaluation n’est évidemment pas nouvelle. Frederick Winslow Taylor, le fondateur de l’organisation rationnelle du travail, la conçoit déjà dans les Principles of Scientific Management (1911). Mais le contrôle était externe et hiérarchique, via des chronomètres, des contremaîtres, etc. Aujourd’hui, on est sommé de s’auto-évaluer, et pour s’évaluer, il faut se mesurer aux autres et se surveiller. D’où une concurrence généralisée entre les services et les personnes. Certains se montrent même prêts à faire des choses moralement douteuses (rétention et détournement d’informations, délation, etc.) Cela déstructure les liens de coopération entre les personnes, l’estime et le respect mutuels. Les organisations syndicales fondent... Le pire, c’est que les employés croient à la légitimité de ces méthodes.

 

Nicolas Klotz : Dans son ouvrage Homo Sacer, le philosophe Gorgio Agamben fait la généalogie d’un concept qui est au fondement de la perspective suicidaire, l’idée d’une vie « indigne d’être vécue ». Politisé, ce concept produit des effets inhumains en laissant entendre qu’une instance autre que l’individu – l’État, la société – pourrait décider que des vies ne valent plus la peine d’être vécues. Elle fut d’ailleurs introduite dans le droit par les juristes nazis avec l’eugénisme et l’extermination des Juifs. La multiplication des suicides en entreprise est un signe de la violence capitaliste. Ma vie est-elle encore digne d’être vécue ? La puissance du capitalisme, c’est de distiller cette terrible question chez ceux qui sont exclus du système, dont la vie est devenue « superflue ». Dans La Question humaine, avec Élisabeth Perceval, nous avons travaillé sur une forme cinématographique qui pourrait représenter le contemporain, un bloc de présent qui irait des années 1930 à aujourd’hui. Ce n’est pas un film sur l’entreprise mais sur une lame de fond produite par la société industrielle. Le nazisme a été une étape de cette lame de fond, qui continue à produire des effets dans le monde contemporain. Cela traverse l’entreprise, tout comme nos corps, nos sensibilités, nos perceptions, le travail, les rapports entre les êtres humains. Dans le film, Simon, qu’interprète Mathieu Amalric, est un cadre supérieur, psychologue aux ressources humaines, chargé des plans de licenciement d’une multinationale pétrochimique. Lorsqu’au cours d’une enquête interne sur l’état psychique d’un des dirigeants de l’entreprise, surgit une archive, une note technique datant de 1942 écrite par des ingénieurs allemands détaillant les modifications à apporter aux camions à gaz pour améliorer le rendement de l’extermination des Juifs, Simon hallucine littéralement. Non pas qu’il y verrait un quelconque rapport dans sa participation au plan de restructuration de l’entreprise, cela serait un raccourci stérile, mais il se rend compte qu’il aurait pu, pour peu que les circonstances s’y prêtent, écrire lui-même cette note technique qui évacue toute référence à l’être humain. On y parle de marchandises, de pièces, de liquides, de saletés épaisses ; et non de Juifs, de cadavres, de femmes, d’enfants, d’hommes… Il aurait pu l’écrire en tant que technicien performant, formé à travailler de manière rationnelle, dans le souci de l’efficacité du résultat, en dissociant ses gestes, ses décisions, des effets concrets qu’ils entraînent pour d’autres êtres humains.

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