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Dominique Méda © Philippe MATSAS / Opale / Leemage

Dominique Méda : “Seule la reconversion écologique nous sortira de la crise du travail”

Dominique Méda, propos recueillis par Catherine Portevin publié le 27 mai 2019 15 min

La grande affaire de Dominique Méda, c’est le travail. Mais pas question pour la philosophe et sociologue d’en faire le centre de nos vies. Face à la précarisation de l’activité professionnelle et à la crise environnementale, elle affirme : une politique écologique cohérente est l’unique moyen de créer de l'emploi de façon durable. 35 heures, réhabilitation du salariat, revenu universel, égalité hommes-femmes… Rencontre avec une pensée de combat.

C’est peu dire de Dominique Méda qu’elle est plongée dans le travail ! C’est d’abord son mode d’être, du genre multitâches, hyperactive, au pedigree d’élite : normalienne et agrégée de philosophie, énarque et haut fonctionnaire aux Affaires sociales, chercheuse en sociologie, elle est femme de dossiers, d’institutions, de collectifs, d’engagement, de pensée et d’action, passionnée par la politique (elle fut une proche de Martine Aubry, fit partie des équipes de campagne de Ségo­lène Royal en 2007 et de Benoît Hamon en 2017, et fut à un cheveu de se présenter sur la liste des Verts aux récentes élections européennes…). 

Le travail est aussi le sujet d’une vie : de son premier essai philosophique en 1995 sur la « valeur travail » à ses enquêtes sur le rapport des Européens au travail ou sa défense de l’emploi des femmes, et jusqu’à sa critique de l’« économisme » au profit de l’écologie, elle documente globalement les caractères de nos sociétés fondées sur le travail… tout en cherchant des pistes pour en sortir. Car pour Dominique Méda – c’est son paradoxe productif ! –, le travail n’est pas le tout de la vie, encore moins le socle du lien social. Elle se revendique idéaliste en ayant pensé, non pas l’émancipation de l’individu par le travail, mais l’émancipation du travail pour une société vraiment libre, c’est-à-dire qui laisse place à d’autres activités et d’autres collectifs capables de structurer l’existence commune. En 1995, son livre Le Travail. Une valeur en voie de disparition ? (Aubier) fait scandale, de même que la loi sur les 35 heures qu’elle soutient. Elle assume tout, même si elle a changé de stratégie : l’urgence n’est pas, tandis que le taux de chômage s’affole, à chanter les vertus du temps libre (sur lesquelles elle aurait, avec Aristote, bien des choses à dire !), mais à reconstruire la valeur du travail réel contre la précarisation des statuts et des conditions. C’est dire si elle regarde avec prudence les grandes transformations du travail d’aujourd’hui et de demain : l’« ubérisation » des services, la fin régulièrement annoncée du salariat, l’essor du free-lance, la mort de l’emploi du fait de la robotisation, le revenu universel, la reconversion écologique, enfin, seule option pour elle porteuse d’utopie positive. Tenant d’une main ses idéaux et de l’autre son pragmatisme, Dominique Méda est taillée pour le combat. 

 

Dominique Méda en 7 dates

  • 1962 Naissance à Sedan
  • 1982-1985 Élève de l’École normale supérieure, agrégation de philosophie
  • 1989 Choix de l’inspection générale des Affaires sociales à sa sortie de l’École nationale d’administration
  • 1995 Parution du Travail. Une valeur en voie de disparition ?
  • 1995-2006 Responsable de la recherche à la direction de la recherche et des études statistiques au ministère du Travail
  • 2008 Habilitation à diriger des recherches en sociologie
  • Depuis 2011 Professeure de sociologie à l’université Paris-Dauphine, directrice de l’Institut de recherches interdisciplinaires en sciences sociales. Titulaire de la chaire « Reconversion écologique, travail, emploi et politiques sociales » au Collège d’études mondiales de la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH)

En 1995, votre livre Le Travail. Une valeur en voie de disparition ? ouvrait un débat sur la « valeur travail », qui nous occupe toujours. À l’époque, étiez-vous consciente de toucher un point philosophique et social aussi sensible ?

Dominique Méda : La question du travail était déjà centrale dans le débat public. Le commissariat général au Plan avait mis en place en 1994 une commission, dont j’étais rapporteure, qui avait pour nom « Le travail dans vingt ans ». Tout le monde parlait à l’époque de la « valeur travail », comme s’il allait de soi que le travail était bon en soi et surtout qu’il était le seul fondement du lien social. Cela ne correspondait ni à ce que m’avait appris la philosophie, ni à ce que j’avais constaté de la réalité du travail. Mais je vous concède que le titre de mon livre, qui n’en reflétait pas le contenu, fut un choix malheureux et je crains d’avoir contribué à relancer, en réaction, un discours apologétique sur la « valeur travail ». En fait, je plaidais pour une réduction de la place du travail dans nos vies – individuelle et sociale – afin de laisser se déployer les activités politiques mais aussi familiales, amicales, amoureuses, de libre développement de soi. Je terminais mon livre sur un double appel à la réduction du temps de travail et à l’amélioration de ses conditions d’exercice… dans la pure tradition de Marx à la fin du Capital !

 

Quelle idée aviez-vous du travail ?

Une idée nourrie de plusieurs traditions. D’abord la philosophie grecque, pour laquelle le fondement du lien social est la politique. Le texte qui m’a sans doute le plus marquée est le mythe raconté dans le Protagoras de Platon : Prométhée va voler le feu aux dieux, c’est-à-dire les capacités techniques, qu’il ramène et distribue de manière diversifiée entre les humains. C’est la naissance de l’échange. A-t-on pour autant une société à ce moment-là ? Non ! Pour qu’une société existe il faut qu’Hermès aille voler les capacités politiques et les distribue également entre les humains. Contrairement à ce que défendra Adam Smith plus tard, ce n’est pas l’échange de biens ou de travail qui fait exister la société, c’est la capacité à délibérer et à déterminer ensemble les conditions de vie communes. Nos sociétés modernes l’ont oublié en laissant à l’économie, à l’échange marchand et au travail une place fondamentale dans la constitution et le maintien de la société. C’est ce que l’École de Francfort, et notamment Habermas, ont remis en cause. Selon ce dernier, le fonctionnement efficace de nos sociétés exige leur dépolitisation : elles font désormais l’objet d’un guidage automatique par les fameuses « lois » de l’économie. J’ai repris sa critique de la « société fondée sur le travail ». Enfin, j’ai été très inspirée par les écrits d’André Gorz, notamment Les Métamorphoses du travail, paru en 1988, qui m’avait passionnée. Finalement, ma thèse était : le travail a été contaminé par la raison économique ; pour réinstaurer un espace et un temps permettant de limiter drastiquement son emprise, il nous faut désacraliser le travail, le désenchanter, pour le partager. C’est ce dernier terme qui en réalité a déclenché mon envie d’écrire pour répondre à un argument du juriste Alain Supiot qui m’avait frappée : dans un article de 1993, il s’élevait contre l’idée même de « partage du travail », car, disait-il, le travail étant une liberté, il ne peut pas faire l’objet d’un partage.

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On considère parfois que le temps est un principe corrosif qui abîme les relations amoureuses. Mais selon le philosophe américain Stanley Cavell l'épreuve du quotidien peut être au coeur d'un principe éthique : le perfectionnisme moral, qui permet à chacun de s'améliorer au sein de sa relation amoureuse.
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Article issu du magazine n°130 mai 2019 Lire en ligne
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