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Emmanuel Beaubatie. ©DR

Entretien

Emmanuel Beaubatie : “Les personnes trans sont perçues comme une menace pour la hiérarchie des sexes”

Emmanuel Beaubatie, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 07 décembre 2021 18 min

La question de la transidentité s’est imposée dans le débat public. Pourtant, le parcours des personnes trans reste souvent méconnu, et les interrogations comme les préjugés à leur encontre restent nombreux. Pour mieux comprendre ce que signifie « être trans », nous avons interrogé le sociologue Emmanuel Beaubatie, auteur de Transfuges de sexe. Passer les frontières du genre (La Découverte, 2021). Il montre la diversité des profils trans et les difficultés qui persistent pour que ces personnes soient acceptées socialement. 

 

Commençons par un exercice de définition. Vous avez fait le choix d’employer le terme de “trans”, et non celui de “transsexuel” ni de “transgenre”. Pourquoi ?

Emmanuel Beaubatie : Le terme de « transsexuel » est le plus connu, il est apparu dès les années 1950, mais c’est un terme d’origine médicale, désignant les personnes qui cherchent à médicaliser leur transition de genre. Plus tard, dans les années 1970, le terme de « transgenre » s’est diffusé dans les milieux militants, pour désigner a contrario les personnes qui ne souhaitaient pas médicaliser leur transition. Comme ces deux termes sont liés à l’histoire controversée de la médicalisation de la transition au XXe siècle, que l’un désigne une pathologie tandis que l’autre est issu d’une approche militante, « trans’ » me paraît plus ouvert. Dans le domaine des sciences sociales, les études féministes dites intersectionnelles ont pointé qu’il n’existe pas une seule condition féminine, que les femmes ont bien d’autres positions ou appartenances sociales qui forgent leur expérience de la domination masculine. Le terme de trans permet de même de renvoyer à une hétérogénéité des parcours et des expériences, plutôt que de poser une catégorie unifiée.

 

Au début de votre livre, vous donnez cette définition : “Les trans sont les personnes qui ne se reconnaissent pas dans la catégorie de sexe qui leur a été assignée, et qui entreprennent d’en changer.” Cette formulation se veut objective, et pourtant il y a un mot qui mérite d’être discuté : “assignée”…

Tiens, c’est curieux, j’aurais pensé que le mot « sexe » susciterait plus d’interrogations que celui d’« assignation ».

“Les organes génitaux n’ont pas de signification sociale en eux-mêmes : le processus d’interpellation est le point de départ de l’interprétation des organes génitaux et de socialisation de la personne qui va naître”
Emmanuel Beaubatie

 

L’assignation, c’est l’acte de prescrire, d’indiquer, en droit on parle d’assignation à comparaître… Cela renvoie donc à une construction artificielle et juridique. Cependant, quand les parents découvrent le sexe de leur futur enfant, à l’échographie ou à la naissance, ils ont l’impression de constater un fait de nature (“C’est un garçon !”, “C’est une fille !”) et non d’imposer un statut sociopolitique à un bébé.

Sans doute faut-il entendre ici par « assignation » une « interpellation », dans le sens que Louis Althusser donne à ce concept dans son texte « Idéologie et appareils idéologiques d’État » (1970), comme lorsqu’on dit : « Hé, vous, là-bas ! » Lorsque vous entendez cette interpellation, c’est que vous êtes potentiellement un contrevenant, en tout cas vous êtes pris d’emblée dans un certain rapport au pouvoir et à la loi : il y a un assujettissement. De même, lorsqu’on dit : « C’est un garçon ! », « C’est une fille ! », il s’agit d’une phrase performative, dont vont découler beaucoup de conséquences, qui vont du choix du prénom à celui des habits ou de la décoration de la chambre, de la place dans la famille, des rapports de filiation. Les organes génitaux n’ont pas de signification sociale en eux-mêmes : le processus d’interpellation est le point de départ de l’interprétation des organes génitaux et de socialisation de la personne qui va naître.

 

On touche ici à la distinction entre le “sexe” et le “genre”. Historiquement, le sexe désigne un donné biologique et le genre une construction sociologique. 

Oui, mais cette opposition ne me paraît pas recevable en l’état.

 

Pourquoi ?

Ce qu’a montré entre autres la critique féministe des sciences, c’est qu’il n’existe pas de sexe en soi, du moins pas de dimorphisme [différence d’aspect] de sexe. En médecine, le sexe est un composite de trois caractéristiques : les organes génitaux, les hormones et les chromosomes ; or il existe des variations très nombreuses de ce triptyque, d’autant plus que les hormones se mesurent par des taux. La catégorie du sexe subit déjà depuis bien longtemps, dans les sciences médicales, le même type de remise en cause que celle de race. On s’est aperçu que la race, dans laquelle on voyait une essence manifestée par la couleur de peau, n’existait pas ; quant à la couleur de la peau, elle est liée à des taux de mélanine dont la variabilité d’un individu à l’autre est très grande. Ce qui semblait évident – il y a des Blancs et des Noirs – ne l’est plus, et la même remise en question vise aujourd’hui l’opposition femme/homme. Judith Butler, dans son travail pionnier Trouble dans le genre (1990), pour autant que je sois capable de comprendre ce qu’elle écrit car elle use d’un lexique philosophique dont la traduction en sciences sociales n’est pas évidente, dit que le genre est performatif, autrement dit que les rapports sociaux sont premiers et qu’ils produisent, par le discours notamment, les catégories de sexe que l’on croit biologiques. La féministe Christine Delphy affirmait déjà cela d’une autre manière lorsqu’elle écrivait : « Le genre précède le sexe. » 

 

Qu’est-ce qu’un homme ou une femme “cis” ? 

C’est là un terme qui est entré dans l’usage depuis plus d’une décennie, et qu’on rencontre de plus en plus fréquemment dans les travaux scientifiques : un homme ou une femme « cis » se reconnaît dans la catégorie de sexe qui lui a été assignée à la naissance. L’apparition de ce néologisme rappelle celle d’« hétérosexuel », car le mot « hétérosexualité » a surgi après le mot « homosexualité ». Au départ, le public ne ressent pas le besoin de disposer d’un mot pour désigner ce qui est perçu comme la situation hégémonique.

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