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Guillaume Ancel en 2018 © Bruno Charoy

Guillaume Ancel. Un homme d’honneur

Martin Legros publié le 30 mai 2018 9 min

La France refuse toujours de faire la lumière sur le sens de son intervention lors du génocide au Rwanda. Un ancien officier déployé sur le terrain il y a vingt-quatre ans décide, lui, de dire toute sa vérité dans un livre saisissant. Complicité dans les massacres, complaisance de l’État… Guillaume Ancel propose ici un récit au vitriol et explique comment lui-même a agi face à des ordres immoraux.

« Je n’aime pas subir. Je ne supporte pas qu’on décide à ma place de ce que je dois dire ou penser. » Issu de la grande bourgeoisie industrielle lyonnaise, « où l’armée est mal perçue, puisqu’on y est mal payé et qu’on y risque sa vie », Guillaume Ancel ne ressemble pas à l’image convenue du militaire, obéissant en silence aux ordres. Et s’il a décidé de prendre la parole et la plume pour raconter de l’intérieur l’intervention française au Rwanda, c’est précisément qu’on a voulu le faire taire à propos d’une opération qui reste selon lui, vingt ans après, l’objet d’un mutisme coupable. À l’entendre, la France a joué un rôle trouble dans le dernier génocide du XXe siècle, le seul qui aurait pu être empêché : l’assassinat de plus de 800 000 Tutsi – sur 6 millions de Rwandais – par les milices et l’armée du gouvernement en place, à dominante hutu, un massacre perpétré en trois mois, d’avril à juillet 1994.

À la fin du mois de juin 1994, Ancel reçoit son ordre d’opération. Il est alors un jeune capitaine déjà expérimenté : il a participé à une opération au Cambodge où il a dû négocier avec les Khmers rouges l’application des accords de paix « face à une société qui a implosé, après un génocide et vingt ans de guerre civile – on prend plusieurs années en quelques mois ». À son retour, il a suivi une formation pointue sur le guidage des frappes aériennes, qui deviendra sa spécialité. « Je guide sur le terrain les avions de chasse quand ils vont frapper. Un boulot compliqué et risqué. L’équipe doit être proche de la cible et, en général, l’ennemi s’en prend d’abord à nous, parce qu’il sait que nous détenons une clé de l’affrontement. » Son ordre de mission au Rwanda est lié à cette compétence : détaché dans une compagnie de combat de la Légion étrangère du 2e Régiment étranger d’infanterie (2e REI), il est censé dégager un couloir qui permettra de réaliser un raid terrestre sur Kigali, la capitale, pour « remettre en place le gouvernement » déstabilisé par les avancées sur le territoire des rebelles tutsi, lui explique-t-on. Une mission militaire classique dont il n’entend pas discuter le bien-fondé. Sauf qu’elle cadre assez mal avec la manière dont l’intervention française est alors présentée, médiatiquement et politiquement, par François Mitterrand et le gouvernement de cohabitation d’Édouard Balladur, dont Alain Juppé est le ministre des Affaires étrangères. La France se targue d’opérer une « intervention humanitaire » sous mandat des Nations unies en vue de « mettre fin aux massacres, éventuellement en utilisant la force ». En réalité, elle cherche aussi à aider un régime ami… bien qu’il soit en train de perpétrer un génocide.

« On a tout de suite senti le flottement, raconte Ancel. Il y avait quelque chose qui ne collait pas entre ce que la France prétendait faire, ce qu’on nous ordonnait de faire militairement et ce qu’on observait sur le terrain. Ce qui m’a sauté à la gorge, c’est le fait qu’on soit aux côtés de types qui se vantaient de commettre un génocide. “Les Tutsi, on s’en est débarrassé, nous disaient ceux qu’on aidait. Ils ne couraient pas assez vite…” Les gens ont du sang plein les mains et ils s’en vantent. Inutile d’avoir fait Saint-Cyr pour comprendre. C’est comme si l’on avait envoyé un corps expéditionnaire à la fin de la Seconde Guerre mondiale… pour débarquer aux côtés des nazis. On n’a pas participé au génocide, mais, sous couvert d’opération humanitaire, nous étions aux côtés des génocidaires. Et cela alors que le génocide n’était pas fini. Nous étions au soixante-quinzième jour, il en restait encore vingt-cinq… »

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