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Martine Leibovici. © Jean-Luc Bertini/Pasco and co

Histoire

La responsabilité de la France dans le génocide au Rwanda au prisme de la pensée d'Arendt

Martine Leibovici, propos recueillis par Jean-Marie Pottier publié le 09 avril 2021 9 min

Le rapport de la commission présidée par l’historien Vincent Duclert sur l’attitude de la France avant et pendant le génocide envers les Tutsi au Rwanda en 1994 écarte l’hypothèse d’une complicité de l’État français mais conclut à une série de responsabilités, politiques, éthique et « cognitives ». Nous l’avons soumis à Martine Leibovici, spécialiste de la pensée de Hannah Arendt, qui en éclaire les enjeux philosophiques.

 

En tant que spécialiste de philosophie politique, et en particulier de Hannah Arendt, qu’est-ce qui vous a le plus frappée dans le rapport Duclert ?

Martine Leibovici : Je réagis d’abord en tant que citoyenne : ce qui m’a frappée, c’est l’extraordinaire documentation qu’il apporte sur le fonctionnement de l’État en France. Sa publication a, par ailleurs, déclenché ces derniers jours une discussion qui n’avait jamais eu lieu de manière aussi publique sur le génocide des Tutsi. Concernant l’existence ou non d’une complicité, certains se réjouissent de la phrase l'écartant, d’autres la prennent pour un dédouanement. Elle dépend en fait d’un si : « Si l’on entend [par complicité] une volonté de s’associer à l’entreprise génocidaire, rien dans les archives consultées ne vient le démontrer. » On peut, à juste titre, faire remarquer qu’une autre entente de la complicité est possible à partir des jugements du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et que, dès lors, les archives consultées et le rapport lui-même, qui insiste d’un bout à l’autre sur le soutien non seulement politique mais matériel apporté à un régime génocidaire, ou en train de le devenir, en revient à une complicité au sens du TPIR. Bref, la question de la complicité n’est pas réglée, mais au contraire ouverte par ce rapport. Par rapport à l’œuvre d’Arendt, trois choses m’ont frappée : la question de la nature de l’État et du dédoublement de ses services ; celle de la responsabilité politique, institutionnelle et collective ; et celle de la « responsabilité cognitive », pour reprendre une expression qui apparaît dans la conclusion du rapport.

 

En quoi consistait ce dédoublement des services de l’État ?

Nous ne vivons pas dans un État totalitaire, mais ce rapport établit de manière troublante des fonctionnements locaux, en lien avec la politique africaine, ce qui n’est pas un hasard, qui sont structurels dans les régimes totalitaires. Dans la troisième partie des Origines du totalitarisme (1951), Arendt montre comment l’État devient une façade et les institutions officielles sont doublées par des officines relevant du NSDAP, le parti nazi, et qui détiennent, elles, le véritable pouvoir de décision. Là, ce que je trouve très problématique, c’est la façon dont il y a eu un dédoublement par des organismes de commandement parallèle liés directement au président de la République, le fameux « état-major particulier », auquel sont soumis, entre autres, le ministère de la Coopération et le chef de la mission militaire, avec l’utilisation de moyens d’influence, de pression et d’intimidation, ainsi que la mise en jeu de rivalités entre les différents services. Ce qui m’a particulièrement frappée, c’est le recours par l’exécutif à ce que le rapport appelle « l’ordre par la voix », des espèces de chaîne de commandement parallèle qui ne sont pas répertoriées par écrit et dont on ne peut déduire le contenu que par les actions qu’elles génèrent. On lit dans le rapport qu’« il est possible [...] de déduire de la forte autonomie technique de l’état-major particulier [...] la nature imprécise de ces instructions qu’il s’agirait pour les intéressés de traduire le plus fidèlement possible. Le maintien en poste dépendrait de l’intelligence dans la traduction et de la loyauté à l’égard d’un chef dont les ordres se discuteraient d’autant moins qu’ils sont donnés oralement et transmettent des lignes directrices plus que des ordres précis ». Il y a là quelque chose de très inquiétant, d’autant plus que la politique étrangère est le domaine réservé par la Constitution au président de la République, et c’est la raison pour laquelle Pierre Joxe, ministre de la Défense entre 1991 et 1993, a toujours demandé que les instructions soient écrites.

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