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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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© Stéphanie Lacombe pour PM

Liberté, égalité, identités

Je de construction

Catherine Malabou, propos recueillis par Cédric Enjalbert publié le 18 février 2021 14 min

Qu’il s’agisse de l’héritage familial ou de la norme sociale, de la religion, de la sexualité, du genre ou des origines, nos cinq témoins ont dû rompre avec ce qui était pour faire advenir ce qu’ils sont. La philosophe Catherine Malabou offre un regard philosophique sur ces vies en mutation. 

 

À la demande d’entretien, Catherine Malabou a répondu avec enthousiasme et sans tarder. C’est que la différence et la déconstruction l’ont intéressée dans une première vie philosophique inscrite dans les pas de Derrida, avant qu’elle ne se penche sur les processus de métamorphose à l’œuvre dans nos existences, au croisement de la philosophie, de la psychanalyse et de la neurobiologie. « Quand vous m’avez parlé des transfuges, explique-t-elle, j’ai spontanément pensé à ma situation de philosophe qui, depuis maintenant près de quinze ans, enseigne dans une langue qui n’est pas la sienne. Je fais habituellement la navette toutes les semaines entre Paris et Londres. » Spécialiste de Hegel, elle enseigne en effet au Centre de recherche en philosophie moderne à l’Université Kingston (Londres), ainsi qu’à l’Université de Californie à Irvine. « J’ai le sentiment étrange d’être devenue quelqu’un d’autre, en étant passée par une forte perturbation dans mes rythmes, mon corps et ma langue. Et, en même temps, cette perturbation m’a réconciliée avec moi-même. » En théoricienne de la plasticité, Catherine Malabou a consacré la plupart de ses ouvrages à cette réconciliation douloureuse avec soi. Dans Les Nouveaux Blessés (Bayard 2007 ; réed. PUF, 2017), elle discute ainsi l’héritage freudien à partir des connaissances de la neurologie, afin de faire place à tous les accidents traumatiques qui occasionnent des ruptures imprévisibles et sans rémission dans notre personnalité. Comme elle l’écrit, « la plasticité négative est une tendance à la formation par anéantissement », admettre son existence est « le prélude incontournable à la prise en compte de la souffrance psychique aujourd’hui ». Cette souffrance est également au cœur de son essai sur La Grande Exclusion, coécrit avec Xavier Emmanuelli (Bayard, 2009) et d’une passionnante Ontologie de l’accident (Léo Scheer, 2009). Cependant, vous ne retrouverez pas ici une telle souffrance. Car si nos cinq témoins, transclasse, converti, transgenre, « fluides » ou déracinés, cherchent leur identité dans un entre-deux jamais assuré, ils attestent surtout d’une transformation créatrice. Mais comment intégrer le changement sans s’y abîmer ? Et où situer le point d’équilibre entre la trop grande rigidité, qui hypothèque tout changement, et la trop grande liquidité, qui n’en retire rien ? Ensemble, précisons la nature de cet agencement philosophique et plastique, qui permet à chacun de persévérer dans son être.

 

© Stéphanie Lacombe pour PM
© Stéphanie Lacombe pour PM

Clara Degiovanni, 24 ans : “Je cherche maintenant ma troisième voie”

« J’ai grandi à Nîmes. Ma mère est employée de bureau, mon père contrôleur de train, et son propre père l’était avant lui. Dans ma famille, j’étais vue comme une élève brillante, et c’était pour moi une grande source de fierté. Mais quand je suis arrivée en classe prépa, puis à l’École normale supérieure de Lyon, le tiraillement entre mon milieu d’origine et mes ambitions universitaires est devenu douloureux. Le premier signe a été que j’ai commencé à avoir honte de mon accent du Sud et je l’ai abandonné. Et quand je rentrais à Nîmes, ma mère me trouvait un accent parisien prétentieux et le vivait assez mal. De l’autre côté, dans les milieux cultivés, je ne me sentais pas légitime. J’assumais mal mon origine sociale, je souffrais d’un syndrome de l’imposteur que je compensais par l’emploi d’un jargon superflu. À vouloir trop en faire, j’étais en décalage. Mon identité d’origine me revenait surtout comme des petites hontes quotidiennes. C’était aussi très épuisant, parce que je me surveillais constamment, je calculais mes attitudes. L’année dernière, j’ai travaillé deux mois à la SNCF comme contrôleuse avec les collègues de mon père. C’est là où s’est cristallisée ma double identité. Pour l’équipe des contrôleurs, j’étais redevenue l’intello de service, complètement décalée et peu à l’aise. Mais quelque chose avait changé : j’assumais cette identité. Et de retour à Paris, j’ai commencé à revendiquer mon identité de Nîmoise fille de contrôleur. Aujourd’hui, je n’appartiens à aucune classe et, paradoxalement, c’est reposant de le réaliser : je suis celle qui n’est jamais à la bonne place. Je peux maintenant le dire, l’affirmer, me l’approprier. Ça m’a aidée de lire les parcours de transfuges célèbres, comme Annie Ernaux ou Édouard Louis, de m’inspirer de leurs manières de se réapproprier leur récit. Moi qui ai toujours été étrangère dans les deux mondes, je cherche maintenant ma troisième voie. »

Expresso : les parcours interactifs
Pourquoi lui, pourquoi elle ?
Comment expliquer nos choix amoureux ? Faut-il se fier au proverbe « qui se ressemble, s'assemble », ou doit-on estimer à l'inverse que « les opposés s'attirent » ? La sociologie de Bourdieu et la philosophie de Jankélévitch nous éclairent.
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Article issu du dossier "Liberté, égalité, identités - Comment reconnaître nos différences ?" février 2021 Voir le dossier
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