Jean-Pierre Dupuy contre les covidosceptiques

André Comte-Sponville, Bruno Latour, Michaël Fœssel, Olivier Rey… Leur point commun ? Être des « intellectuels covidosceptiques », d’après Jean-Pierre Dupuy. Cet ingénieur de formation, connu pour avoir théorisé le « catastrophisme éclairé » dans les années 2000 à propos de la crise écologique, critique ces penseurs qui ont, selon lui, minimisé la gravité de la crise de façon « irresponsable ». Un coup de gueule qui se veut surtout une réhabilitation de la « vie nue », cette vie « biologique » que certains, comme Olivier Rey, jugent démesurément « sacrée ».

Dans la première moitié de son livre, Jean-Pierre Dupuy rétablit d’abord quelques vérités factuelles : sur la létalité du virus, son mode de propagation exponentiel, sa spécificité par rapport à d’autres maladies (grippe, VIH…). Son grief principal envers les « covidosceptiques » est, dans leur critique ardente des mesures adoptées par l’État contre le Covid-19, de ne pas prendre en compte l’efficacité sanitaire de ces mesures (« liberticides », « injustes pour les jeunes », « plaçant l’économie au-dessus de tout », etc). Il appelle cela le « sophisme de l’an 2000 » : le bug redouté fin 1999 n’étant pas arrivé, tout le monde a critiqué ceux qui avaient mis en garde contre ce possible bug, sans s’apercevoir que des milliards de dollars avaient été dépensés justement pour l’éviter. « Tout se passe comme si un événement qui n’était pas advenu était sur-le-champ tenu pour impossible », ironise Jean-Pierre Dupuy. Autrement dit, nous avons évité la catastrophe non pas parce qu’elle était « impossible », mais parce que des mesures drastiques ont été prises pour faire en sorte qu’elle « n’advienne » pas ; chose que les « covidosceptiques » ne remarquent pas dans leur argumentaire. L’auteur développe ainsi une réflexion sur la réalité des « contrefactuels », ces événements qui auraient pu se produire mais ne se sont pas produits, non pas parce qu’ils ne devaient pas se produire, mais parce que l’avenir reste indéterminé et qu’il ne faut pas oublier, rétrospectivement, que les choses auraient toujours pu se passer autrement.