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Judith Butler à Paris en 2024. © Elliott Verdier/The New York Times/Redux/Réa

International

Judith Butler, la non-violence et le Hamas

Millay Hyatt publié le 29 mars 2024 3 min

Quand les philosophes se contredisent : Judith Butler qualifiait récemment les massacres du 7 octobre dernier de civils israéliens, de « résistance armée ». Comment concilie-t-elle cette affirmation avec sa défense philosophique de la non-violence ?


 

  • Début mars, Judith Butler a déclaré lors d’un événement à Paris que les attaques du Hamas du 7 octobre n’étaient ni terroristes ni antisémites, mais un cas de « résistance armée ». Elle ne l’a pas fait au détour d’une phrase, mais a insisté sur le fait que ce choix de mots pour qualifier le « soulèvement » était « honnête » et « historiquement correct ».

  • L’orientation prise par les travaux de Butler confère à ses déclarations un caractère particulièrement troublant : la philosophe juive américaine, rendue célèbre par ses thèses controversées sur le genre comme catégorie performative, s’est de plus en plus intéressée ces dernières années à la violence et à la non-violence, à partir de Vie précaire(2005) notamment. Elle interroge l’invisibilité de certaines victimes, comme celles des « féminicides » en Amérique latine, qui ne sont pas pleurées de la même manière que les victimes occidentales du terrorisme, par exemple. Dans La Force de la non-violence (2021), elle plaide pour une résistance non violente mais militante à l’oppression et à la force. Dans ce contexte, elle critique l’attitude d’une certaine gauche qui voudrait faire une exception au précepte de non-violence en cas d’autodéfense. Selon elle, l’idée d’un « soi » qu’il faudrait sauver à tout prix, y compris celui de l’anéantissement de l’adversaire, est individualiste et oblitère le lien social entre ce soi et celui dont émane la violence. Toute personne qui exerce la violence, même en cas d’autodéfense, finit par se nuire à elle-même. Comment cette prise de position en faveur de la non-violence peut-elle s’accorder avec ses déclarations sur le Hamas ?

  • À Paris, comme dans les explications qui ont suivi, Butler a souligné que le terme de « résistance armée » ne devait pas être considéré comme un soutien - qu’on pouvait discuter de cette « stratégie » du Hamas, et même la rejeter. En tant que penseuse qui a réfléchi de manière approfondie sur la capacité du langage à « cadrer » la réalité et à en occulter certaines dimensions, Butler est bien sûr consciente de ce qu’elle fait lorsqu’elle qualifie le 7 octobre d’acte de résistance : elle inscrit le massacre dans la lignée de la résistance des Français contre l’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, ou dans celle de la lutte des femmes kurdes contre l’oppression de l’État turc ; elle éloigne, ce faisant, le 7 octobre israélien des attentats du 11-Septembre ou de ceux de 2015 à Paris. Parler de « résistance » dans un contexte de gauche revient à rendre hommage, même si l’on prend soin de prendre des distances avec les moyens utilisés.

  • Comment saisir ce mouvement discursif de Butler ? Celle-ci semble se considérer elle-même comme une résistante dans ses déclarations : elle pointe du doigt un débat mensonger qui considèrerait la vie israélienne comme plus précieuse que la vie palestinienne, et tente d’étayer cette affirmation en soulignant l’emploi de termes comme antisémitisme, terreur ou pogrom. En insistant sur le terme de « résistance », elle fait apparaître le Hamas comme un acteur politique qui se bat pour la valeur des vies palestiniennes. On peut toutefois se demander si Butler ne se laisse pas enfermer dans le cadre étroit des hostilités et ne tombe, finalement, pas dans une logique contre laquelle elle met explicitement en garde dans La Force de la non-violence : affirmer que la violence est la seule réponse possible à la violence, c’est abandonner « le droit de regard » sur « la question de savoir si la violence doit continuer à être utilisée ». Même dans des scénarios d’oppression extrêmement violents, il existe des « moyens de résister, […] de pénétrer dans le champ de force de la violence pour empêcher sa perpétuation ». Même si Butler rejette l’action du Hamas, son intervention équivaut à une capitulation devant les rapports violents avec lesquels cette prétendue résistance ne rompt pas, bien au contraire. Il est décevant de voir une penseuse de la stature de Butler, qui ouvre dans ses écrits des espaces de réflexion pertinents, se replier ainsi dans les rets de la violence. Nous avons besoin, surtout en des temps dangereusement dépourvus de nuances comme aujourd’hui, d’intellectuels qui rouvrent la réflexion avec passion - et de manière militante !

 

Ce texte est une traduction d’un article initialement paru dans l’édition allemande de notre magazine, que vous pouvez retrouver ici en version originale.

Traduit par Octave Larmagnac-Matheron
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