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Le livre du jour

Un autre visage du "care" : la non-violence selon Judith Butler

Antony Chanthanakone publié le 16 novembre 2021 3 min

La COP26, qui s’est déroulé du 1er au 12 novembre 2021, a remis sur le devant de la scène la question de l’usage de la non-violence dans l’arène politique. À Paris, par exemple, des organisations écologistes comme Extinction Rebellion ont revendiqué des actes de désobéissance civile fondés sur la non-violence. Comment justifier de tels actes qui, de prime abord, confinent au spectacle plus qu’à un acte politique décisif ? Dans son dernier essai, La Force de la non-violence (Fayard, 2021), la philosophe américaine Judith Butler apporte un certain nombre de réponses. Connue pour avoir renouvelé les études de genre, la philosophe propose une éthique normative de la non-violence, à rebours des justifications classiques de cette pratique.

 

  • Bien que la violence tende globalement à diminuer dans nos sociétés, l’actualité reste marquée par des irruptions de brutalité. Songeons à ce qu’on appelle désormais des féminicides, aux actes racistes ou homophobes, mais aussi aux violences policières ou à certains actes militants… Dans ce contexte, une question se pose : faut-il répondre à la violence par une contre-violence ? Dans La Force de la non-violence, la philosophe Judith Butler, devenue célèbre en 1990 avec Trouble dans le genre, assure qu’il faut disqualifier la violence comme réponse politique aux « violences systémiques » – concept qu’elle théorise en introduction. À la manière de Gandhi, dont le concept de « non-violence » (Satyagraha, सत्याग्रह) devrait être plutôt traduit par « force d’âme », elle appelle à ne pas sous-estimer les pouvoirs de la non-violence. De cette manière, elle défend une approche originale dans son camp, à savoir la gauche.
  • Pour la professeur à l’université de Berkeley, il faut sortir d’un écueil principal. La distinction opérée par Walter Benjamin entre les fins et les moyens, selon laquelle la violence serait seulement « instrumentale » (Critique de la violence), n’est pas un cadre pertinent pour penser la violence, selon elle. Pour le philosophe allemand, la violence est un « outil », une technè. Or, « en dehors des efforts assidus pour limiter l’utilisation de la violence à un moyen plutôt qu’à une fin, l’actualisation de la violence en tant que moyen peut, par inadvertance, devenir sa propre fin, réitérer l’autorisation et autoriser d’autres violences », écrit Butler. Les moyens peuvent se retourner contre la fin ! Par là même, elle refuse de faire de la non-violence une question d’efficacité ; elle s’inscrit donc en faux par rapport à certains textes de gauche, comme le populaire et récemment édité en français Why Civil Resistance Works: The Strategic Logic of Nonviolent Conflict, d’Erica Chenoweth et Maria Stephan.
  • En outre, la question de la non-violence n’est pas de l’ordre de la conscience morale. Être non-violent au nom de principes individuels supposément supérieurs – ne pas attenter à l’intégrité physique d’autrui – passe à côté de l’essentiel dans l’acte de désobéissance civile. L’argument qu’elle mobilise renvoie plutôt à une dimension politique et collective : la liberté sociale. La violence est une menace pour la liberté de chacun : Les individus sont liés par une « interdépendance constitutive ». Or, « les liens indispensables à la vie sociale […] sont mis en péril par la violence. » La tâche de la non-violence, c’est donc de « trouver des moyens de vivre et d’agir dans ce monde pour que la violence soit contenue ou atténuée ».
  • Pour Judith Butler, la non-violence est une « ruse », elle recèle des qualités insoupçonnées. Prolongeant les réflexions actuelles sur le care et la vulnérabilité humaine, la philosophe affirme que la non-violence révèle paradoxalement de nombreux éléments sur ce que serait un ordre social juste. La non-violence n’est pas un aveu d’échec ni un pis-aller, elle permet de réparer les liens sociaux entre les êtres : « La non-violence est moins un échec de l’action qu’une affirmation physique des exigences de la vie […] par la parole, le geste et l’action, à travers des réseaux, des campements et des rassemblements qui tous essaient de redéfinir les êtres vivants comme dignes de valeur. » La non-violence est une attitude éthico-politique qui porte en elle non pas une volonté de détruire l’ordre injuste mais plutôt d’affirmer un contre-idéal de société. En somme, c’est une force tranquille.

 

La Force de la non-violence, de Judith Butler, vient de paraître aux Éditions Fayard dans une traduction de C. Jaquet. 256 p., 20€ en édition physique, 14,99€ en format numérique, disponible ici.

À lire aussi : désobéissance civile, vers une reconnaissance par le droit ?
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