Juger est un sport de combat !
Comment savoir qu’on a fait le bon choix ? Nous avons posé cette question à deux « professionnels » évoluant dans deux milieux a priori aux antipodes : une juge d’instruction et un entraîneur sportif, que nous avons suivis au cours d’une journée.
Palais de justice /
LA SOLITUDE DU MAGISTRAT
Il se découpe sur le ciel de Paris avec ses trente-huit étages, qui en font l’un des plus hauts bâtiments de la capitale. Je suis attendu dans ce palais de verre où se rend la justice, à la porte de Clichy, par une juge d’instruction qui tient à son anonymat. Avant de gagner les étages, où se situe son bureau, nous passons plusieurs portiques sécurisés. Je m’assois sur la chaise dédiée aux personnes mises en examen. La pièce est mitoyenne du bureau de la greffière. « C’est la personne avec laquelle je travaille le plus étroitement. » Hormis ce binôme, le juge d’instruction n’a pas d’équipe. « Cette “solitude” est la manifestation d’une organisation institutionnelle qui implique l’indépendance des juges, au titre de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif, et de l’autorité judiciaire. Personne ne contrôle le fond de leurs décisions ni la façon dont ils et elles travaillent. » Le corps judiciaire se compose du parquet et du siège. Les juges appartiennent au siège, ils sont indépendants et inamovibles – autrement dit, leurs décisions ne sont soumises à aucun contrôle hiérarchique. Les procureurs appartiennent au parquet et sont hiérarchiquement soumis au garde des Sceaux. Ils sont chargés de l’accusation et des poursuites. Ce sont eux qui décident si quelqu’un doit comparaître devant un tribunal. Mais, si des faits délictuels méritent une enquête plus sophistiquée et, obligatoirement, si ce sont des faits criminels, ils saisissent un juge d’instruction pour que les investigations se poursuivent. « Le parquet n’étant pas indépendant, on considère que ses compétences en matière d’enquête doivent être limitées. » En revanche, un juge d’instruction peut décider, sans lourdeur procédurale, de mettre en place des techniques d’enquête attentatoires à la vie privée, comme des écoutes. « Exceptées celles pour lesquelles je dois recueillir préalablement l’avis du parquet, ces techniques spéciales d’enquête restent à mon appréciation dans les cas prévus par la loi. Le rôle du juge d’instruction est de procéder à tout acte utile à la manifestation de la vérité. »
Salle de boxe /
UN COLLECTIF SUR LE RING
Je perçois une fébrilité ce soir-là, en arrivant au Ring du XIV. Le club de boxe parisien se situe à l’extrême opposé du Tribunal de Paris, en direction de la banlieue sud. Il est 17 heures et Saufiane Mahd-joubi m’accueille. Il a lui-même été boxeur avant de « s’épanouir » en tant que coach, puis de diriger cette structure. Elle a formé de nombreux jeunes champions, même si ses locaux ne payent pas de mine. Ici, le principe est en effet, me confie-t-il, « la boxe pour tous : du loisir, sans la compétition, mais aussi des compétiteurs amateurs et professionnels ». Lui-même y est venu poussé par son frère. « Je suis tombé amoureux de ce sport de rigueur, de technique et de tactique. Mais il y a une quinzaine d’années, je n’ai plus eu la possibilité de m’entraîner convenablement en tant qu’athlète et j’ai décidé de coacher, encouragé par mon entraîneur. » Après avoir mis fin à sa carrière, il a entraîné des champions comme Franck Petitjean, cham-pion d’Europe dans la catégorie super--légers jusqu’en novembre. Actuellement, il s’occupe d’Anatole Lemaire, qui, quand nous nous rencontrons, s’apprête à disputer le championnat de France élite, le plus haut niveau amateur. C’est son parcours prometteur qui suscite la ferveur ce soir-là dans le club. On sent toute l’équipe derrière lui. « La boxe est un sport collectif, confirme Saufiane Mahdjoubi. Le boxeur ne se fait pas seul, tout comme l’entraîneur. On gagne et on perd ensemble. Toute une équipe se déploie autour de lui. » Ce sentiment d’un collectif se décline tant dans les décisions prises pour le club que durant l’entraînement ou les championnats. « J’insiste beaucoup sur la communication », poursuit-il. Il est effectivement affiché sur la porte d’entrée un « code moral du ring », où figurent le respect, la rigueur, la détermination mais aussi la communication comme l’un des éléments clés du succès du « noble art » – on appelle ainsi la boxe anglaise, qui n’autorise que l’usage des poings. « Je demande à mes boxeurs de me dire si au boulot c’est compliqué ou si la journée s’est mal passée, car j’adapte l’entraînement en fonction. Mais je ne peux pas anticiper ni connaître ce qu’on ne me dit pas ! J’ai besoin d’information et de contexte pour prendre de bonnes décisions, qui soient adaptées à une situation donnée », précise le coach.
Faites-vous primer le désir comme Spinoza, la joie à l'instar de Platon, la liberté sur les pas de Beauvoir, ou la lucidité à l'image de Schopenhauer ? Cet Expresso vous permettra de le déterminer !
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