La Boétie. L’œuvre

Mathilde Lequin publié le 2 min

Un épais mystère entoure toujours le Discours de la servitude volontaire : ni les circonstances de sa composition, ni sa cible potentielle ne sont clairement identifiées.

La Boétie aurait écrit son chef-d’œuvre entre 16 et 18 ans – une précocité qui n’a rien d’invraisemblable si l’on se rappelle qu’au même âge, Pic de la Mirandole maîtrisait déjà vingt-deux langues. Faut-il y voir un pamphlet dirigé contre le roi Henri II, qui impose alors à tous les paysans l’impôt sur le sel ? À moins qu’il ne faille reconnaître Charles IX ou encore Henri III sous les traits du tyran… Dans cette hypothèse, La Boétie ne serait pas le seul auteur du Discours et l’aurait en tout état de cause composé à un âge plus avancé. Les tribulations éditoriales du texte, jamais publié du vivant de son auteur (lire l’encadré p. 81), épousent les aléas de l’histoire politique : il est repris par les protestants, partiellement en 1574 dans le Réveille-Matin des Français, puis intégralement en 1576 dans les Mémoires de l’État de France sous Charles le neuvième. Le brûlot continue à circuler sous le manteau – on raconte que, au XVIIe siècle, le cardinal de Richelieu s’en procura à prix d’or un exemplaire. En 1789, il refait surface lors de la Révolution française. Il est alors plagié par Marat sous le titre Les Chaînes de l’esclavage. Au début du XIXe siècle, ce sont les révolutionnaires italiens qui se le réapproprient, avant que l’ouvrage ne soit réédité en France au moment de la révolution de 1830, avec une préface de Lammenais. Interdit par le régime nazi, le Discours est réimprimé clandestinement pendant la Seconde Guerre mondiale, avant de faire son grand retour en 1978 aux éditions Payot : accompagné des commentaires de Pierre Clastres et de Claude Lefort, il  y reçoit pour sous-titre La Question du politique.

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