L’assimilationnisme intégral d’Éric Zemmour
Quelle est la doctrine politique d’Éric Zemmour ? C’est un assimilationnisme intégral, qui vise à supprimer toute trace d’altérité chez les personnes d’origine étrangère. Fantasme ou racisme déguisé ? Sans doute les deux.
Éric Zemmour, la sensation politique de cet automne pré-electoral, a-t-il une doctrine à proposer ? On le connaît plus volontiers pour sa posture de débatteur médiatique et encore plus pour ses sorties racistes ou xénophobes qui l’ont fait condamner par la justice. À la lecture de ses ouvrages, il faut pourtant répondre à cette question par l’affirmative. Sa doctrine peut être définie comme un assimilationnisme intégral.
Assimilationnisme, d’abord. L’assimilation a été le mot d’ordre de la politique française vis-à-vis de ses immigrés durant la IIIe République. Il s’est appliqué aux habitants des colonies, mais aussi aux vagues d’immigration européennes. Formalisé dans les années 1920, le principe demande au candidat à la nationalité de se fondre dans l’identité française, sous tous les aspects de la vie courante : langue, habillement, manières, logement... Le principe d’assimilation est gastrique : les éléments étrangers doivent être digérés par l’organisme d’accueil, venir lui apporter leurs forces en s’y fondant. De l’altérité de l’immigré, il ne reste rien. Le terme d’assimilation a été remplacé, dans les années 1980, par celui d’intégration, qui suppose que les nouveaux arrivants puissent conserver une partie de leur identité et que la société d’accueil soit elle aussi modifiée. Alors que la métaphore de l’assimilation est biologique, celle de l’intégration est mathématique : elle ne considère pas la société comme un corps qui doit absorber des éléments extérieurs, mais comme un lent rapprochement.
Depuis les années 2000, le vocabulaire de l’assimilation revient dans le champ politique, dans la bouche de la droite mais aussi chez Manuel Valls. Dans Le Suicide français (Albin Michel, 2014), Zemmour affirme quant à lui « qu’en France, le modèle d’intégration républicain des étrangers s’était accompli par l’assimilation, imitant le lointain exemple de l’Empire romain ». Mais selon lui, « les premiers dérèglements annonciateurs de la chute de l’Empire romain furent le refus croissant des “barbares” de changer de patronyme et… la décision de garder leurs armes » — allusion à la théorie du « grand remplacement » par les « barbares » des banlieues.
C’est là où l’assimilationnisme à la Zemmour doit être qualifié d’intégral. Il concerne les moindres aspects de l’existence. Son insistance sur la nécessité de donner un prénom issu du calendrier catholique [lire notre article sur les prénoms « français »] peut paraître anecdotique, voire absurde, tant la liberté de nommer ses enfants semble acquise, et essentielle. Il n’en est rien. Pour Éric Zemmour, c’est précisément dans le domaine le plus intime que tout se joue. Dans La France n’a pas dit son dernier mot (Rubempré, 2021), il va plus loin : « L’assimilation est un mode d’intégration qui réclame le contrôle cérébral de ses réflexes les plus archaïques. » Il s’agit de s’interdire, jusque dans le fond de sa conscience, la moindre affiliation à une religion, une culture, des traditions étrangères. Éric Zemmour s’impose à lui-même cette ascèse : « Je suis un Juif d’Algérie qui a grandi en banlieue parisienne, et que l’héritage familial et les lectures ont transformé en Français de la terre et des morts. » Il fait ici allusion au nationalisme de Maurice Barrès (1862-1923), pour qui « les précédents historiques et les conditions géographiques sont les deux réalités qui règlent la conscience nationale » (La Terre et les morts, 1899, consultable gratuitement ici dans son intégralité). Cela n’empêche pas Zemmour, issu de l’immigration et non catholique, comme une grande partie des Français, de vouloir se fondre, de manière fantasmatique, à la France du passé. Or il est évident que Maurice Barrès aurait refusé ce désir d’assimilation bien peu « charnel ».
Cet assimilationnisme intégral, qui se prétend républicain parce que fondé sur la volonté, se heurte à deux écueils : premièrement, la radicalité, voire la violence, qu’il porte, à vouloir interdire aux citoyens la liberté de se référer, dans leur vie quotidienne, à une autre culture que celle de la France. Dans une période d’affirmation identitaire de nombreuses minorités, cette radicalité risque de provoquer des heurts. Deuxièmement, l’impossibilité d’éliminer de soi tout ce que l’on jugerait non conforme. Au fond, cette doctrine est à la fois une xénophobie déguisée et une illusion de l’esprit.
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