Le démon de l’intuition
Elle est autant source d’inspiration que d’erreurs. Elle peut être bonne comme trompeuse. Mais que faire de cette capacité quasi instinctive à décider en se fiant au ressenti, sans passer par les longs méandres du choix calculé et réfléchi ?
Je me suis souvent fié maladroitement à une première impression, qui s’est révélée fausse avec le temps. J’ai ainsi parfois découvert des amis chers dans des silhouettes initialement suspectes. Je sais changer de trottoir ou m’extraire d’une foule quand je pressens un danger, mais je suis désemparé quand il s’agit de prendre une décision spontanée. J’ai une certaine empathie qui me permet de « sentir » les affects d’autrui, mais je n’ai aucune affinité avec les voyants – à l’exception des poètes dont j’admire les visions ! J’ai donc de l’intuition et je n’en ai pas. On le voit, la notion même s’applique à des situations diverses, qui vont de l’idée claire et lumineuse au sentiment confus que l’on éprouve, au feeling, en passant par l’inspiration. Elle peut être bonne quand elle nous permet d’agir vite et bien, ou trompeuse – on le découvre tardivement. Alors faut-il lui faire confiance et à quelles conditions ?
Besoin de Bergson
S’il est malaisé de définir l’intuition, on peut tenter de l’approcher par ce qu’elle n’est pas : il ne s’agit pas vraiment d’instinct, car l’intuition n’est pas une donnée biologique, elle dépend de l’expérience ; tout comme elle n’est pas un réflexe, car elle n’est pas seulement réactive mais aussi anticipatrice ; l’intuition ne se rapporte pas plus à la croyance, car elle informe l’action ; ni à la voyance, car elle concerne le monde ici-bas plus que l’au-delà…
“C’est quelque chose de simple, d’infiniment simple, de si extraordinairement simple que le philosophe n’a jamais réussi à le dire”
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