“Le mal n’existe pas” : humains par nature
Le nouveau film de Ryūsuke Hamaguchi, réalisateur notamment de Drive My Car, propose, sous les dehors d’une fable environnementale de toute beauté, une déconstruction de l'opposition binaire entre et mal.
De hauts arbres, une neige immaculée, une enfant qui joue près d’un lac gelé dans une campagne japonaise… Quand des promoteurs tokyoïtes viennent perturber le calme apparent d’un village aux confins de l’archipel avec leur projet de « glamping » – contraction de « camping glamour » –, le scénario semble tout tracé : des entrepreneurs peu soucieux de l’environnement affrontent une population attachée à son territoire. Sauf que le scénario de Ryūsuke Hamaguchi (qui a connu le succès international en 2021 avec Drive My Car) n’a rien de manichéen ! Tout au contraire, il s’emploie, comme son titre l’indique, à défaire la conception absolutiste du mal, par nature opposée au bien. Le cinéaste japonais expose plutôt comment ils s’entremêlent dans l’action des humains, et plus généralement dans le monde. « C’est une question d’équilibre », affirme l’un des personnages, et quand cet équilibre est rompu, le mal advient. Saint Augustin, pour qui le mal n’est pas une chose en soi mais un défaut de bien, le dit autrement dans ses Confessions, confiant qu’en lui « deux volontés » sont « aux prises » et combien « leur rivalité [lui déchirent] l’âme ». Dans l’univers de Ryūsuke Hamaguchi, les plantes ont ainsi des épines tranchantes et des cerfs inoffensifs peuvent se montrer violents. Ici, la nature n’est pas le berceau de la bonté sauvage. Elle a été façonnée : les rivières coulent depuis les montagnes dans des canaux quand les forêts ont été plantées. Un individu lui-même peut avoir plusieurs vies. Les deux communicants chargés de « vendre » le lucratif projet auprès des autochtones semblent ainsi se laisser séduire par le charme du lieu, au point de vouloir abandonner leur mission pour opérer un retour à la nature. Mais ce retournement est-il sincère ou feint pour obtenir la confiance des habitants ? Cette fable contemplative se clôt sur une ultime scène en forme de kōan, ces enseignements énigmatiques que délivre, dans la tradition bouddhique zen, le maître à son étudiant pour le pousser vers l’éveil. Car ce questionnement sur le mal n’attend ni ne permet aucune véritable résolution, et c’est là sa beauté.
Faites-vous primer le désir comme Spinoza, la joie à l'instar de Platon, la liberté sur les pas de Beauvoir, ou la lucidité à l'image de Schopenhauer ? Cet Expresso vous permettra de le déterminer !
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