Hors-série "Orwell"

Le nationalisme et le patriotisme selon Orwell

publié le 2 min

 

 

Extrait. Qu’est-ce qui différencie un patriote d’un nationaliste ? Tout, répond Orwell. Le nationaliste voue un culte absolu à sa nation, dont les intérêts priment toute considération morale. Seul importe le développement de la puissance de la nation – au détriment des autres. Le patriotisme, au contraire, est essentiellement défensif : il marque l’attachement à un lieu et à un mode de vie, sans prétendre l’imposer à d’autres.


 

« Par “nationalisme”, j’entends tout d’abord l’habitude de supposer que les êtres humains peuvent être classés comme des insectes et que des groupes entiers de millions ou de dizaines de millions de personnes peuvent être qualifiés de “bons” ou de “mauvais”. Mais, deuxièmement – et la chose est beaucoup plus importante –, j’entends par nationalisme l’habitude de s’identifier à une seule nation […], de la placer au-delà du bien et du mal et de ne reconnaître aucun autre devoir que celui de promouvoir les intérêts de celle-ci. Le nationalisme ne doit pas être confondu avec le patriotisme. […] Par “patriotisme”, j’entends le dévouement à un lieu particulier et à un mode de vie particulier, que l’on croit être le meilleur au monde mais que l’on ne souhaite pas imposer à d’autres personnes. Le patriotisme est par nature défensif, à la fois militairement et culturellement. Le nationalisme, en revanche, est inséparable d’un désir de pouvoir. Un nationaliste […] pense uniquement, ou principalement, en termes de prestige concurrentiel. […] Ses pensées tournent toujours autour des questions de victoire, de défaite, de triomphe et d’humiliation. Il voit l’histoire, en particulier l’histoire contemporaine, comme le développement et le déclin sans fin des grandes unités de puissance, et chaque événement qui se produit lui paraît démontrer que son propre camp prospère alors qu’un rival honni est engagé sur la voie de la décadence. Mais enfin, il est important de ne pas confondre le nationalisme avec le simple culte du succès. Il ne s’agit pas simplement de se liguer avec le côté le plus fort. Au contraire, ayant choisi son camp, le nationaliste se persuade que ce camp est le plus fort ; il s’en tient à cette croyance même lorsque les faits sont clairement contre lui. Le nationalisme est une soif de pouvoir tempérée par l’auto-tromperie. Tout nationaliste est capable de la malhonnêteté la plus flagrante, mais il est aussi – puisqu’il est conscient de servir quelque chose de plus grand que lui – indéfectiblement certain d’avoir raison. » 

 

George Orwell, « Notes on nationalism » (1945), in Polemic [notre traduction].

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