Cinéma

Le phénomène Jean-Louis Godard

Marc Cerisuelo publié le 4 min

Si À bout de souffle ou Le Mépris ont marqué le cinéma, on sait moins que l’œuvre de l’ancien des Cahiers du cinéma doit beaucoup à la philosophie moderne, qui interroge le rapport de la conscience au monde.

Selon Jean-Luc Godard, le cinéma est une forme qui pense. « La mise en scène, c’est comme la philosophie moderne, disons Husserl, Merleau-Ponty. Il n’y a pas les mots d’un côté et la pensée de l’autre. La pensée, et ensuite les mots. [...] Quand je dis que la mise en scène n’est pas un langage, je veux dire que c’est en même temps une pensée », affirmait-il en 1961. Le premier Godard s’affiche phénoménologue. Lecteur de Jean-Paul Sartre et de Maurice Merleau-Ponty (lequel pensait déjà le cinéma comme une « forme temporelle »), le cinéaste refuse de choisir entre le montage et la réalité. Dès ses premiers articles, son opposition au fondateur des Cahiers du cinéma, André Bazin, lui permet de formuler une sorte de clé de voûte de son art à venir : « Le montage est le fin mot de la mise en scène. »

Godard retient de la phénoménologie husserlienne la curiosité pour le monde de la vie, pour les aspects les plus banals de l’existence. Aron n’avait-il pas dit à Sartre : « Tu vois, mon petit camarade, si tu es phénoménologue, tu peux parler de ce cocktail, et c’est de la philosophie. » Recommandation qui a dû inspirer les passages de L’Etre et le Néant sur le paquet de cigarettes ou le « gluant ». De son côté, la nouvelle vague consacre la rue, les cafés, la ville comme nouvel espace du cinéma. Godard sort des studios, braque la caméra sur le monde environnant et traque « ce phénomène de la première fois [...], le phénomène du documentaire ». Même quand il s’adonne à la fiction, le cinéaste demeure attaché au réel et à sa représentation. La phénoménologie est, pour lui, une approche qui valorise l’expérience immédiate du sujet. Un tel passage au présent renvoie au mécanisme de la conscience : Godard pense tout haut en filmant et provoque une pensée en retour chez le spectateur – qui parfois refuse le contrat jugeant son cinéma trop intellectuel.

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