Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Frederick Goodall (1822-1904), “Dolce far niente” (“La douceur de ne rien faire”), huile sur toile, 1889. © Sotheby’s/AKG

Tribune

Les élites, les jeunes et la “mort de l’âme”

Pierre Vesperini publié le 16 novembre 2020 6 min

Dans une vidéo diffusée par le gouvernement allemand, les jeunes sont appelés à rester chez eux durant le confinement et sont célébrés comme des héros… dans l’inaction. Cette vision de la jeunesse, affalée devant la télévision, montre à quel point, selon Pierre Vesperini, les élites d’aujourd’hui ne comprennent rien à la richesse de la vie de loisirs, seul chez soi, vantée par la philosophie romaine de l’Antiquité. Un malentendu lourd de risques pour notre avenir.

 

Le gouvernement allemand vient de publier une vidéo, intitulée « De singuliers héros » (ou « Des héros très spéciaux ») qui a fait sensation. Elle s’adresse aux jeunes, qu’il s’agit de convaincre de respecter le confinement (un Anglais enthousiaste a repris la vidéo sur son compte Twitter, avec des sous-titres). Le spot de prévention montre, dans cinquante ans, un vieillard qui se rappelle sa jeunesse, à l’époque de la deuxième vague du coronavirus. Les jeunes, dit-il, se comportèrent alors en héros (« Helden »). Ils ont triomphé du virus. Comment ? Eh bien – et ici intervient la surprise – en ne faisant « rien, absolument rien » (« Nichts. Absolut gar nichts »). Et des images de flashbacks nous présentent, dans une atmosphère de pénombre, sans air, sans fenêtre et sans lumière, un jeune homme qui n’en finit pas de s’abrutir d’ennui sur un canapé, devant une télévision allumée, ayant à peine la force de soulever la télécommande. Pour couronner le tout, au bout d’un moment émerge au fond une vague silhouette féminine apportant des pizzas… Enfin apparaît l’appel de la Bundesregierung : « Deviens-toi aussi un héros. Reste à la maison » (« Werde auch du zum Helden und bleib zu Hause »).

 

La vidéo a été presque unanimement saluée, en Allemagne et ailleurs. Seuls quelques esprits chagrins ont estimé que le gouvernement avait tort d’inciter à l’oisiveté, et que le parallèle avec les émissions historiques sur la Seconde Guerre mondiale n’était pas du meilleur goût. Mais ce ne sont pas les réactions du public qui m’importent ici.

 

Cette vidéo est un témoignage capital, auquel les historiens de l’avenir devront accorder toute l’importance qu’il mérite. Elle exprime en effet, avec toute la clarté désirable, la façon dont les élites dirigeantes européennes se représentent l’existence humaine. Car l’origine allemande de la vidéo est, de ce point de vue, indifférente. Elle pourrait émaner de n’importe quel autre gouvernement européen : anglais, français, italien, etc. Partout, pour les élites qui gouvernent, qu’elles se disent de gauche ou de droite, une idée domine, toujours informulée, mais ici formulée pour la première fois peut-être : la vie est purement matérielle. Divisée entre travail et détente, production et consommation, elle ne peut être qu’extérieure. L’intérieur, le chez-soi (Heim), n’est que l’abri où l’on dort. Par conséquent, pour ces élites, il va de soi que, si un jeune homme reste chez lui, il ne pourra rien faire d’autre que dépérir devant la télévision, seule activité (de consommation) qui lui restera. L’idée que, chez soi, un jeune homme puisse rêver, penser, créer, parler, lire, écrire, faire de la musique, du dessin, cuisiner des plats, et même aimer – bref, se livrer à tous les plaisirs de ce qu’on appelait à Rome l’otium – cette idée, pour les élites qui nous gouvernent, est inconcevable. « Je ne suis jamais plus actif », disait Scipion l’Africain, « que lorsque je ne fais rien, et je ne suis jamais moins seul que lorsque je suis seul ». Le mot était rapporté par Caton le Censeur, l’archétype du Romain énergique et vaillant [retrouvez ici l’intégralité de la citation dans son contexte]. 

Expresso : les parcours interactifs
Comment commenter un texte philosophique ?
Une fois qu’on a compris la thèse d’un texte de philo, il n’y a plus rien à faire ? Faux ! Apprenez comment commenter un texte de philosophie avec une méthode imparable, étape après étape. 
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
4 min
Réapprenons à être malades !
Octave Larmagnac-Matheron 28 septembre 2021

Depuis le début de la pandémie, nous pensons presque exclusivement la maladie sous le prisme du Covid-19 : comme un drame qui met en péril l…

Réapprenons à être malades !

Article
8 min
"Skholè", "otium" : l’oisiveté des philosophes
Octave Larmagnac-Matheron 22 juillet 2023

Et si, pour comprendre ce qu’est le loisir, nous nous tournions vers nos lointains ancêtres, Grecs et Romains ? La skholè et l…

"Skholè", "otium" : l’oisiveté des philosophes

Bac philo
2 min
L’existence et le temps
Nicolas Tenaillon 01 août 2012

L’existence, c’est le fait d’être. Elle se distingue de l’essence qui désigne ce qu’une chose est. À l’exception de Dieu dont l’existence est éternelle, le propre de l’existence est d’être finie, limitée dans le temps. L’existence s…


Article
4 min
Non à l’obsession du corps sain !
Clara Degiovanni 13 mai 2021

L’orthorexie, du grec orthos, « correct », et órexis (ὄρεξις), qui signifie « appétit », est un trouble des conduites…

Non à l’obsession du corps sain !

Article
9 min
Frédéric Keck : “Nous n’avons pas l’imaginaire pour comprendre ce qui nous arrive”
Catherine Portevin 21 mars 2020

L’anthropologue Frédéric Keck est à sa manière un pisteur de virus. Fort de son expérience en Asie, il observe les “maladies de la mondialisation”…

Frédéric Keck : “Nous n’avons pas l’imaginaire pour comprendre ce qui nous arrive”

Bac philo
2 min
Le travail et la technique
Nicolas Tenaillon 01 août 2012

Le travail est une activité consciente et volontaire. Originellement perçu comme un châtiment divin (Adam, expulsé du paradis, condamné à travailler), le mot vient du latin tripalium qui désigne un instrument de torture. Le travail,…


Article
6 min
“La pandémie de la peur”, par Ivan Krastev
Ivan Krastev 11 février 2021

En s’inspirant de La Peste (1947) de Camus, le politologue bulgare Ivan Krastev se demande si la crise du Covid-19 s’effacera de nos mémoires…

“La pandémie de la peur”, par Ivan Krastev

Article
10 min
En quoi les jeux vidéo sont-ils “beaux” ?
Nicolas Gastineau 03 juin 2021

Richesse des graphismes, modélisations 3D de haut vol, mondes « ouverts » envoûtants : les jeux vidéo suscitent une expérience…

En quoi les jeux vidéo sont-ils “beaux” ?

À Lire aussi
La société
Par Nicolas Tenaillon
août 2012
“Le suicide est évitable” selon l'OMS
“Le suicide est évitable” selon l'OMS
Par Cédric Enjalbert
septembre 2014
Déconfinement. C’est la faute à Rousseau
Déconfinement. C’est la faute à Rousseau
Par Michel Eltchaninoff
avril 2020
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Les élites, les jeunes et la “mort de l’âme”
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse