"Les Feux de l’Éros" (1/6) : l'étincelle du coup de foudre

« Dans quelques jours, je vais devoir quitter mon appartement, ce qui me chagrine un peu. Pendant deux ans, il a été le lieu où mon compagnon et moi avons tissé un ensemble d’habitudes banales, mais dont les variations précieuses différencient le couple des autres couples, lui donnent son identité propre. Du florilège de ces gestes quotidiens, naît cette impression paradoxalement si commune : celle de ne pas être “comme tout le monde”. 

En un sens, on habite un appartement comme on habite une relation amoureuse. On s’y installe, volubile, et l’on décore les lieux. Au fil des mois, ceux-ci se chargent d’objets et de tiroirs contenant les événements futiles ou décisifs qui ont jalonné la relation. Ces menus aménagements donnent une forme, un terrain à l’amour. Contre l’idée d’une passion évanescente faite uniquement de nuages rose et de confettis, ils offrent une dimension matérielle au couple. Les pièces partagées abritent de la passion, de la tendresse, mais aussi des discussions animées voire des débats survoltés. Elles sont le théâtre de la vie amoureuse vécue, concrète, en train de se faire, avec ses scènes et ses rebondissements. Chaque espace vide, chaque mur, est empli des mots et des actes qui composent le bruit et le mouvement de l’existence du couple.

Dans ses Fragments d’un discours amoureux (1977), Roland Barthes définit “la rencontre de l’être aimé” comme “une fête” sans cesse renouvelée. Cette célébration, dit-il, n’est pas un “éclatement” mais plutôt une “jubilation”. Vibrante, sans être hors du commun, elle peut se manifester au détour “du dîner, de l’entretien, de la tendresse, de la promesse sûre du plaisir”. Pour autant, cette jouissance n’est pas fade. Elle n’est pas un confort froid et sans saveur. Profiter allègrement de la simple présence de l’autre, en faire une célébration, est pour Barthes la marque “d’un art de vivre au-dessus de l’abîme”. Il s’agit de composer avec autrui ; avec toute l’étrangeté, tout le mystère que recèle l’autre – celui ou celle que j’ai choisi(e) “parce que c’était lui, parce que c’était moi”, pour citer le mot célèbre de Montaigne évoquant la relation qui le lie à La Boétie.

Ce sont toutes ces pièces, ces différents aspects de la relation amoureuse que l’on vous invite à explorer dans “Les Feux de l’Éros”, notre grand feuilleton philosophique estival, à découvrir dans nos tout nouveaux formats Expresso. Nous avons pensé ce parcours comme une histoire d’amour : des débuts enflammés, en passant par les étreintes torrides, les conversations au clair de lune, les petites anicroches, la peur de l’attachement ou de l’ennui… jusqu’à la fin de la romance – car la fin d’une histoire, ce n’est pas la fin du monde ! Chacune des douze étapes de ce parcours, guidée par un(e) philosophe célèbre, est ponctuée de questions et de tests de personnalité : l’idée est de vous permettre, grâce à ces Expresso, d’apprendre autant de l’amour en philosophie que, peut-être, de vous-même.

Pour commencer, rien de mieux qu’un test ! Dans le premier Expresso, vous pourrez déterminer si vous faites primer le désir comme Spinoza, la joie à l’instar de Platon, la liberté sur les pas de Beauvoir ou la lucidité à l’image de Schopenhauer. Nous vous invitons ensuite, dans le second Expresso, à découvrir l’expérience fascinante du coup de foudre, sur les pas de Barthes.

À partir de la semaine prochaine, un peu à l’image d’un cahier de vacances philosophique, vous pourrez découvrir les dix autres composantes de la relation amoureuse, comme autant de pièces à arpenter. Vous y croiserez notamment les écrits de Levinas et de Sartre sur la caresse, les considérations impitoyables de Beauvoir sur l’amour romantique, la réhabilitation du quotidien par Cavell, les digressions de Rousseau sur l’amour de soi, ainsi qu’un Expresso spécialement consacré à l’amitié… car l’amour romantique n’est pas le seul qui vaille la peine !

Savourez donc ces deux premières étapes des “Feux de l’Éros” : “Test : quel amoureux êtes-vous ?” et “L’étincelle du coup de foudre”.

Bon voyage philosophique ! »

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