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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Claire Lamberti en 2019 © Bertrand Gaudillère / Collectif Item

Les nouvelles routes du soi

Charles Perragin publié le 02 juillet 2019 14 min

Transition de genre, jeu d’acteur, immersion dans les profondeurs, exil forcé ou méditation en pleine conscience, nos cinq témoins dévoilent le chemin qui les a menés à eux-mêmes. Des quêtes existentielles que commente Cynthia Fleury.

Ses feuilles de notes sont éclaboussées de café. Machinalement, la philosophe Cynthia Fleury marque délicatement au stylo noir les contours des taches brunes sur le papier blanc. Les frontières ne l’intéressent pas. Qui suis-je ? Qu’est-ce que le sujet ? « Une fiction », lâche celle qui est aussi psychanalyste depuis dix ans. Selon elle, le moi est inassignable, impossible à circonscrire dans des limites claires, définitives. Au début de son récent opuscule, Le soin est un humanisme (Tracts, Gallimard, 2019), elle cite des passages de la célèbre conférence de Jean-Paul Sartre sur l’existentialisme : « L’homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde et […] se définit après. L’homme, tel que le conçoit l’existentialiste, s’il n’est pas définissable, c’est qu’il n’est d’abord rien. » À l’image des taches qu’elle cercle, le sujet apparaît toujours après coup. Mieux : il est un surgissement. « C’est dans l’ouverture que l’on devient sujet, dans la rencontre avec l’inconnu, que ce soit autrui ou la terra incognita de son propre psychisme », explique-t-elle.

Devenir soi pourrait s’envisager comme l’expérience de l’araignée qui tisse sa toile. Suspendus au-dessus des profondeurs, il nous faut produire des liens, ou en saisir, pour exister : s’entrelacer avec ses comparses d’une façon ou d’une autre, par sollicitude, par responsabilité ou spiritualité, par l’acte de création artistique ou intellectuelle. Sécréter des territoires communs, s’y intégrer, c’est cette tâche dont personne ne peut s’acquitter à notre place qui requiert aussi un certain courage. Nous saisissons peu à peu les motifs qui animent la philosophie et la grammaire de Cynthia Fleury, de La Fin du courage (Fayard, 2010) aux Irremplaçables (Gallimard, 2015). Vivre, c’est se (re)lier, de notre plein gré ou par la force des vicissitudes de l’existence, au « prix de la douleur », comme le laisse entendre l’un de ses premiers essais, Pretium doloris (Pauvert, 2002).

De l’exil forcé à la transition de genre, du jeu du comédien à la méditation en pleine conscience en passant par l’immersion dans les profondeurs marines, nous avons demandé à Cynthia Fleury de considérer cinq témoins en quête du « devenir-soi ».

 

Claire Lamberti. « En tant qu’homme, je vivais à côté de moi-même »

Transgenre, administratrice de l’association Jardin des « T », Lyon

« Je ne me suis jamais identifiée à un mec. Dès l’école primaire, les garçons étaient des extraterrestres pour moi. Pourtant, j’ai grandi avec une enveloppe masculine. Adolescente, j’avais des poussées de féminité. J’essayais les vêtements de ma mère en cachette : c’est là que je me sentais le mieux, je planais. Mais, malgré tout, dès que je les enlevais, j’avais honte. Je me disais que c’étaient des jeux, une façon de s’échapper, mais, au fond, j’avais l’impression que je devenais complètement folle, schizophrène. Un jour j’ai voulu en finir. Puis, au moment de passer à l’acte, j’ai pu prendre du recul. Je me suis dit : “Tu as un corps de mec, t’es un mec, et tu vas vivre en mec. Tu auras sûrement des moments de bonheur. Et tu t’en contenteras.” Je suis alors devenue une sorte de parodie de l’homme idéal : grand, musclé, viril, la coupe en brosse, à la militaire. Et je me suis lentement desséchée intérieurement. Adulte, je ressentais peu de sentiments. Je n’arrivais plus à pleurer. J’étais bloquée. J’évitais de parler de sujets qui pouvaient me rapprocher de la féminité. J’ai été heureuse, par moments. J’ai eu une femme, que j’ai aimée, et deux filles, qui sont grandes maintenant. J’ai eu l’amour de mes parents, de mes amis, j’avais une vie normale, mais ce n’était pas la mienne. Après une période de saturation, c’est une consultation chez une psychologue qui a tout déclenché, en 2013. Elle a vite cerné que je refoulais tout ce qui était féminin. Elle me disait que je pouvais vivre ma féminité en tant qu’homme. Mais je n’y arrivais pas. Il fallait que je vive totalement dans le modèle féminin. J’ai donc entamé une transition de genre. Ma compagne m’a quittée, peut-être au fond pour me permettre d’aller jusqu’au bout. Les cheveux longs, l’opération du visage, la prise d’hormone, la peau qui s’affine, tout cela, c’était du bonus. Bien plus que le changement de corps, je suis devenue moi-même quand j’ai abandonné mon rôle d’homme, cette composition forcée que je ne supportais plus. Je ne suis plus à côté de moi-même. Je suis toujours en contact avec mon ex-femme, et mes filles m’ont acceptée telle que suis. Et même si, comme transgenre, je suis souvent la cible du regard d’autrui, je veux montrer à ceux que j’aime mon vrai visage. »

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