Le graphique

L’Europe éclatée face à la migration

Martin Duru publié le 2 min

Alors que la polémique autour de l’Aquarius, ce bateau humanitaire refoulé par l’Italie, avant d’être finalement accepté en Espagne, relance les divisions de l’Europe sur la question migratoire (lire p. 20), les derniers chiffres d’Eurostat, l’agence européenne de statistiques, permettent d’y voir plus clair sur les contributions respectives des États européens dans l’accueil des demandeurs d’asile. Au cours de l’année 2017, l’Union européenne (UE) a accordé sa protection à 538 000 demandeurs d’asile – une baisse de 25 % par rapport à 2016. L’Allemagne assume encore l’essentiel de la charge avec 60 % des cas, loin devant la France et l’Italie. Cependant, pour mesurer la contribution réelle des membres de l’UE, il convient de rapporter ces données à leur population. C’est un tout autre tableau qui se dessine alors, où la Suède, l’Autriche et le Luxembourg remontent en haut de tableau tandis que la France bascule en 9e position (elle était 16e en 2015)… Comment expliquer ce différentiel ? Pour le démographe François Héran, lors de sa leçon inaugurale au Collège de France, en avril dernier, il y a d’abord une « inégalité spatiale » qui expose les pays du Sud. Et les règlements de l’UE qui assignent le traitement de la demande aux premiers pays de la zone où elle a été enregistrée creusent cette inégalité. Mais la géographie n’explique pas tout : « Les deux extrêmes, la Pologne et la Suède, qui ne sont séparés que par un bras de mer, sont dans un rapport de 1 à 700. De tels écarts sont rarissimes. » L’exposition faible du Portugal et de l’Espagne aurait des raisons plus profondes que l’économie : moins attractifs que l’Europe du Nord, ils ont surtout en commun d’avoir été des pays d’émigration. C’est encore la culture et l’histoire qui expliquent la politique de fermeture des nations d’Europe centrale : l’isolement sous l’ère communiste, l’absence de passé colonial et un récit national et identitaire religieusement marqué. Enfin, la grande différence entre Allemagne et France serait avant tout éthique : « l’Allemagne mobilisant sa force de frappe caritative pour accueillir les exilés dans l’urgence, alors que la France, dans son légalisme républicain, prend au sérieux le tournant familial des droits pour accueillir en continu la migration ordinaire ». Les Européens ont donc des raisons profondes de se positionner différemment devant les migrants. Selon le démographe, cela ne devrait cependant pas être un argument pour les empêcher de trouver une politique commune qui évite « l’angélisme autant que le cynisme ». 

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