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Marylin Maeso. © Julien Faure/Leextra - Aurélien Taché. © Hannah Assouline/Opale/Leemage

Dossier / C’est quoi un bon Français ?

Marilyn Maeso-Aurélien Taché : traits d’union

Marylin Maeso, Aurélien Taché, propos recueillis par Cédric Enjalbert publié le 13 janvier 2022 12 min

Il est député, elle est philosophe. Tous deux ont une vision de ce que pourrait être l’appartenance à une nation qui ne soit pas crispée sur l’identité. Aurélien Taché, élu du Val-d’Oise et auteur d’un récent essai aux accents autobiographiques sur sa conception de l’intégration, défend une approche moins culturalisée des appartenances à la citoyenneté. Marylin Maeso, réfléchissant à l’essentialisme en politique, défend un universalisme critique, fidèle à l’esprit républicain. Ils ont accepté de dialoguer en commençant par répondre à cette question : qu’est-ce qu’être français ?

 

Marylin Maeso : Être Français, c’est d’abord avoir une nationalité parmi d’autres, soit une identité matérielle. À côté de cela, il existe l’identité française, composée de l’histoire plus ou moins glorieuse du pays, qui façonne la mentalité des personnes qui y habitent, mais aussi toute une dimension imaginaire. Des mythes français peuvent être féconds, d’autres plus mortifères, en fossilisant l’identité. L’identité française met l’histoire comme discipline sur le champ de bataille. Car l’un des éléments essentiels du discours d’Éric Zemmour est de valoriser le « roman national », sans opérer aucune distinction entre le mythe et la réalité, entre les faits historiques et les constructions imaginaires. Pour résumer, je dirais qu’être Français, c’est construire une identité avec la conscience de sa relativité historique : rien ni personne ne peut figer l’« identité française » une bonne fois pour toutes. Elle a un passé, un présent et un avenir.

 

Aurélien Taché : Être Français, c’est le fruit d’une histoire sur les plans géographique et culturel, mais c’est surtout avoir envie de bâtir une communauté de destins. Le peuple français est l’un des premiers à avoir souhaité que sa démocratie soit fondée, d’abord dans un cadre monarchique puis républicain, sur le respect des droits humains. Être français, c’est magnifier cet héritage et en tirer des conclusions sur le plan politique. Car des méprises et des captations affectent la portée universaliste de ces droits. Certains en donnent une acception qui me semble tout sauf universelle, flirtant plutôt avec ce que j’ai appelé le « nativisme », à savoir le fait de donner une coloration culturelle particulière à la République, à l’exclusion d’autres cultures ou religions qui lui seraient incompatibles. C’est tout sauf conforme à l’esprit français. Dans Notre France [Allary Éditions, 2016], Raphaël Glucksmann parlait d’une hybridité de la France qui remonterait au Roman de Renart. Je m’y reconnais.

“J’appelle le ‘nativisme’ le fait de donner une coloration culturelle particulière à la République, à l’exclusion d’autres cultures ou religions qui lui seraient incompatibles”
Aurélien Taché

 

M. M. : Cependant, il faut admettre que les époques de crise sont idéales pour vendre le produit « identité nationale » dans sa pureté imaginaire. Car qui dit perte de repères dit besoin de s’agripper à une idée fixe, par un réflexe de protection très compréhensible. Or la meilleure manière de retrouver cette unité collective, qu’on peut appeler identité nationale, reste de désigner un ennemi – l’étranger, peu importe le nom que vous lui donnez. L’idée est de se fabriquer un extérieur pour mieux fédérer l’intérieur. Les discours des entrepreneurs identitaires fonctionnent ainsi, de manière à unifier un groupe autour d’eux, en forgeant notamment ce que l’historien Raoul Girardet a appelé le mythe du « sauveur » dans Mythes et mythologies politiques [1986] et dont Pétain est une figure. Dans cet essai, Girardet montre comment l’imaginaire mythique se structure dans les moments de crise et de rupture. À côté du mythe du « sauveur », il identifie trois autres motifs politico-mythologiques : la « conspiration », ou l’idée d’un complot ; l’« âge d’or », ou la nostalgie du temps d’avant ; enfin, l’« unité », fantasmant l’homogénéité du peuple. Aujourd’hui, tout y est.

 

A. T. : L’identité peut être exploitée en temps de crise par ceux qui ont un agenda identitaire, assurément, mais il faut dire aussi que les Français n’ont jamais été à l’aise avec ces questions culturelles et spirituelles. Au moment de la Révolution, la conception des Lumières, très liée à notre tradition philosophique cartésienne, a inscrit une définition de la citoyenneté abstraite, conçue comme un élément politique fort et ambitieux, mais dont la traduction immédiate a été : toute affirmation d’une identité culturelle paraît contraire à l’indivisibilité de la République. Je suis d’accord avec la philosophe Élisabeth de Fontenay quand elle dit qu’on a ainsi traité les Vendéens pires que des chiens, sans que Jules Michelet, l’une des plumes républicaines du roman national, ne s’en émeuve… Cette tradition politique a été renforcée ensuite par le triomphe du marxisme, dont la philosophie politique a fortement imprégné toute la gauche française, concentrée sur les seuls problèmes économiques et sociaux. Aujourd’hui, ces questions identitaires resurgissent sous la forme de ce que j’appelle le « nativisme ». Le nativisme est une pensée politique qui veut que la nation ne puisse s’édifier que sur des particularismes culturels. C’est un concept issu en premier lieu des pays à forte immigration, comme le Canada, l’Australie, les États-Unis, considérant que plus vous habitez un pays depuis longtemps, plus cela vous donne de droits. 

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