Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Portrait de Marcel Proust (détail), en 1895 par Otto Wegener. © Domaine public

Hors-série « Proust »

Michel Butor : “Proust sort du temps et passe dans une région d’éternité”

Michel Butor, propos recueillis par Sven Ortoli publié le 17 novembre 2022 9 min

À partir de l’oubli, de l’histoire collective et des histoires personnelles, de Saint-Simon et des Mille et une Nuits, l’écrivain Michel Butor nous parle du temps et de son traitement dans l’œuvre de Proust. Entretien avec l’auteur de L’Emploi du temps…

 

Au début de la Recherche, le père du Narrateur tempête contre Bloch, l’ami de son fils : “Comment, il ne sait pas le temps qu’il fait ? mais c’est un imbécile !” Comment passer du temps qu’il fait au temps qui passe ?

Michel Butor : Chez Proust, il y a des lieux essentiels : Combray, Venise, Paris. Le passage d’un lieu à un autre et le souvenir d’un lieu par rapport à un autre, toute cette géographie est très importante bien sûr, mais la vie du Narrateur est ancrée dans ces lieux qui ont chacun une météorologie propre : le temps qu’il fait n’est pas le même à Combray, à Venise ou à Balbec en bord de mer. Quand on écrit des lettres, on parle souvent du temps qu’il fait : on dit « il fait beau » à quelqu’un qui lira ces mots dans un endroit où il pleut. Celui qui dit « il fait un temps merveilleux aujourd’hui » a l’impression d’envoyer ce temps avec lui dans la lettre. La personne qui est dans une autre atmosphère météorologique va éprouver d’une manière très fugitive le temps que lui envoie l’autre personne.

La langue anglaise est moins ambiguë que la nôtre puisqu’elle possède deux mots pour le temps : time et weather. Time, c’est le temps des horloges, des calendriers, celui qu’il faut pour faire quelque chose, et weather, le temps qu’il fait. Lorsque j’étais jeune lecteur à Manchester, les gens disaient « In Manchester there is no time, only weather » : à Manchester on n’a pas de temps, on a simplement le temps qu’il fait. Et c’est un sujet de conversation important en Angleterre. Cette opposition entre les termes anglais m’a amené à penser le temps différemment, à composer avec le temps vécu : celui qui passe, celui qu’il fait, et le temps socialisé des horloges et des calendriers.

 

Quelle différence entre votre temps et celui de Proust ?

Dans À la recherche du temps perdu, ce n’est pas tant les personnages qui perdent leur temps que le temps qui se perd tout seul et les perd, jusqu’aux instants où on le retrouve, d’ailleurs dans une abolition : aussi bien dans l’épisode de la madeleine que dans celui des pavés mal équarris de l’hôtel de Guermantes, le retour en arrière est subit et complet : le personnage se retrouve à un moment antérieur, dans une époque passée, d’où il ressortira, bien sûr, car c’est une époque passée qu’il peut reperdre s’il ne s’adonne pas au travail de l’écriture, laquelle joue le rôle d’une sorte de filet, de nasse, dans laquelle on va pouvoir repêcher d’autres instants. Chez Proust comme chez moi, le temps est lié à l’oubli – on ne sait plus ce qu’on a fait, qui on était – et parfois il y a des choses qui reviennent. Mais il y a une différence profonde qui est liée au rôle du calendrier. Dans la Recherche, il n’y a pas, pour ainsi dire, de calendrier. Le temps n’est pas fixé ; on a des impressions de saison et encore, pas énormément ; des moments de printemps, des moments qui vont vers l’été avec les jeunes filles en fleurs par exemple ; mais il n’y a jamais de date. Dans mes livres au contraire, la question de la date est absolument essentielle : le calendrier, la façon dont on nomme le temps, dont on fixe les événements dans un cadre social a une importance fondamentale. Il permet de s’y retrouver à l’intérieur du labyrinthe temporel. Pour moi, le temps est d’abord vécu comme labyrinthique ; on a du mal à savoir où on en est, à mettre les choses dans un ordre ; or, le calendrier sert à placer les événements que l’on vit et dont on se souvient dans un certain ordre, ce qui est extraordinairement difficile. Il permet un accord entre les gens et la construction d’un passé commun et d’une temporalité partagée. Nous avons très souvent des difficultés à ordonner des événements : on se dit « voilà, j’ai fait telle chose, et ensuite ceci », pour s’apercevoir ensuite que les choses ont été mises dans un mauvais ordre, qu’on a lu tel livre avant de faire tel voyage et non l’inverse. Les autres jouent un rôle essentiel dans cette mise en ordre.

Expresso : les parcours interactifs
Popper et la science
Avec Popper, apprenez à distinguer théorie scientifique et pseudo-sciences, pour mieux débusquer les charlatans et (enfin) clouer le bec à ce beau-frère complotiste !
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
5 min
Michel Butor. « Je suis en quelque sorte en sursis »
Michel Butor 19 juillet 2012

À 85 ans, lors d’une conférence émouvante, l’écrivain Michel Butor médite sur la nature du temps : celui qu’il a vécu et celui qui lui reste à…

Michel Butor. « Je suis en quelque sorte en sursis »

Article
2 min
“Marcel Proust. Un roman parisien” : place de la madeleine
Cédric Enjalbert 08 janvier 2022

Le musée Carnavalet-Histoire de Paris présente, pour les 150 ans de la naissance et les 100 ans de la mort de l’auteur d’À la recherche du temps…

“Marcel Proust. Un roman parisien” : place de la madeleine

Article
11 min
Le goût de la madeleine et autres souvenirs majuscules
Cyprien Machtalere 20 février 2019

Vous essayez de vous rappeler le nom d’un magasin, et c’est le visage de la vendeuse qui vous apparaît. Vous ne savez plus à quoi ressemblait…

Le goût de la madeleine et autres souvenirs majuscules

Article
4 min
L’écrivain Michel Butor est mort
Cédric Enjalbert 25 août 2016

Figure de proue du Nouveau Roman, l’écrivain Michel Butor est mort mercredi 24 août 2016 à l’âge de 89 ans.

L’écrivain Michel Butor est mort

Le fil
1 min
Marcel Proust lu par Michel Butor
18 novembre 2022

Marcel Proust est mort le 18 novembre 1922. Pour marquer le centième anniversaire de sa disparition, nous vous proposons de (re)découvrir cet entretien…

Marcel Proust lu par Michel Butor

Article
1 min
Oxmo Puccino : pas de temps à perdre
Sylvain Fesson 09 janvier 2023

Longtemps, le rappeur a accouché de bonne heure ! Avant de brûler les planches dans Marcel, pièce hommage à Marcel Proust avec Françoise…

Oxmo Puccino : pas de temps à perdre

Entretien
9 min
Antoine Compagnon : “Proust met d’emblée en scène le corps masculin”
Sven Ortoli 06 mars 2023

Avec Proust, explique Antoine Compagnon, le corps masculin fait irruption dans la littérature. Une première phénoménologie du corps s’éveille. Et avec elle une mise en abyme de la lecture. Entretien sur le sexuel et le textuel, l’amour…


Article
5 min
De quoi le toponyme est-il le nom ?
Clara Degiovanni 16 juillet 2022

La Côte d’Azur, La Rochelle, Chamborigaud… Le nom d’une région, d’une ville ou d’un village, c’est déjà le début d’un voyage. Comment les noms de…

De quoi le toponyme est-il le nom ?

À Lire aussi
Alain Badiou : “Le style de Proust touche à la musique pure, au chant éthéré et sublime de la langue”
Alain Badiou : “Le style de Proust touche à la musique pure, au chant éthéré et sublime de la langue”
Par Martin Duru
novembre 2022
Les leitmotivs 
de la "Recherche"
Par Nicolas Grimaldi
L’existence et le temps
Par Nicolas Tenaillon
août 2012
  1. Accueil-Le Fil
  2. Entretiens
  3. Michel Butor : “Proust sort du temps et passe dans une région d’éternité”
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse