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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Jean-François Mattéi au Festival Philosophia de Saint Émilion © capture d'écran du film réalisé par Bruno Venzal

Nécrologie

Mort de Jean-François Mattéi

Martin Legros publié le 25 mars 2014 5 min
Le philosophe Jean-François Mattéi est décédé brutalement lundi 24 mars. Il avait 74 ans.

C’est un grand professeur, un intellectuel engagé, mais aussi un fidèle contributeur de Philosophie magazine et un ami de la rédaction qui est mort brusquement ce lundi 24 mars.

Né dans une famille française d’Algérie à Oran en 1941, il avait fait ses études universitaires à l’université d’Aix-en-Provence et quitté définitivement le pays natal en 1962 au moment de l’indépendance. Diplômé de l’Institut d'études politiques (IEP) d’Aix et agrégé en philosophie en 1967, il avait consacré sa thèse d’État à un examen très précis de l’ontologie platonicienne inspirée par Heidegger et dirigée par Pierre Aubenque. (L’Étranger et le Simulacre. Essai sur la fondation de l’ontologie platonicienne, PUF, 1983). Sur décision du Conseil national des universités, il devient alors le plus jeune professeur de l'enseignement supérieur, à Nice-Sophia-Antipolis, sautant par-dessus tous les échelons intermédiaires. « Cela m'a valu quelques inimitiés de mes collègues niçois, confiait-il récemment lorsqu’on l’interrogeait au sujet de cette carrière précoce. Mais ce n'est pas la peine de me présenter ainsi, cela manque de modestie, et les universitaires ont trop tendance à se faire mousser ; ce n'est pas mon genre. » Les œuvres et la qualité de l’enseignement comptaient davantage que les titres. Il était notamment très fier d’avoir dirigé aux PUF les deux tomes de l'Encyclopédie philosophique universelle (volume III: Les Œuvres philosophiques, et volume IV : Le Discours philosophiques). Une somme colossale de plusieurs milliers de pages, avec 3 500 rédacteurs venus du monde entier.  À l’université de Nice, son enseignement, aux côtés de Dominique Janicaud et de Françoise Dastur, va faire rayonner la pensée de Heidegger et initier de nombreuses générations à la lecture patiente des grands textes de la métaphysique. À côté de son attention jamais démentie pour le texte platonicien – relire ses Platon (Que sais-je ?, PUF, 3e éd., 2010) et Platon et le miroir du mythe (PUF, 2002) –, il était un grand lecteur de Camus – dont il comprenait pour les avoir vécues les positions tragiques sur l’Algérie, mais aussi sur la révolte et la mesure (Comprendre Camus, Max Milo, 2013).

« Il dénonçait le renoncement des Européens à assumer leur identité: celle d’une civilisation qui avait fait du regard théorique et du “soin de l’âme” sa grande aspiration »

Également professeur de philosophie politique contemporaine à l'IEP d'Aix-en-Provence, il avait développé une réflexion inquiète sur le « nihilisme » contemporain. Dans Le Regard vide. Essai sur l’épuisement de la culture européenne (Flammarion, 2007), il dénonçait ainsi le renoncement des Européens, au nom de l’esprit critique et de la pénitence pour les crimes du passé, à assumer leur identité : celle d’une civilisation qui, de Platon à Patocka, avait fait du regard théorique et du « soin de l’âme » sa grande aspiration. Il intervenait régulièrement sur les questions d’actualité, de la crise des banlieues au débat sur l’euthanasie, assumant une position « réactionnaire » sur l’aplatissement généralisé des valeurs et le renoncement à toute forme de transcendance. Ainsi, affirmait-il dans Le Figaro, à propos du débat autour du cas de Raphael Lambert : « Nous sommes dans une civilisation mortifère, qui sous couvert d'humanisme, voire d'humanitarisme, veut éliminer les personnes dérangeantes, faibles ou malades, qui ne correspondent pas aux critères de l'individu libéral ».

Il a très régulièrement contribué à Philosophie magazine, qu’il s’agisse de raconter le voyage de Platon à Syracuse ou de s’interroger sur l'augmentation des inégalités.

Ses deux dernières contributions avait frappé : il avait raconté la crise de « burn out » dont il avait été victime l’année dernière, alors qu’il se reposait en Grèce d’une année surchargée. « Arrivé sur le site magnifique de Santorin, en pleine forme et d’excellente humeur, l’arrêt soudain de toute activité m’a fait basculer dans un état second. J’ai éprouvé une angoisse énorme, comme je n’en avais jamais connu dans ma vie. Une boule de terreur montait et descendait dans ma poitrine. J’éprouvais un épuisement sans fond. Je n’avais plus envie de lire, plus envie de vivre. Les choses avaient perdu tout sens et toute saveur. Ce n’était pas la peur qu’on éprouve face à un danger objectif, fût-ce la mort. Plutôt une panique sourde, indicible, un peu comme l’angoisse, au sens heideggerien du terme, devant le néant, le rien. »

Sa dernière intervention dans nos colonnes avait été pour réaffirmer la pertinence de la critique des sophistes par Platon. Face au philosophe Frederic Schiffter qui assumait le relativisme des sophistes, il opposait alors fermement : « Vous oubliez que nous sommes tous embarqués. Nous ne pouvons nous contenter de la position de l’observateur qui regarde depuis Sirius ce qui se passe sur Terre. Même Spinoza est, à l’occasion de l’assassinat des frères de Witt [1672], sorti de sa tour d’ivoire pour prendre position en faveur de la démocratie. Il n’est pas réaliste d’attendre une justice parfaite sur Terre. Ni le Christ, ni Socrate, ni Lao Tseu n’ont été intégralement justes. Mais on ne peut se passer d’un horizon de justice, d’un idéal régulateur qui permet d’évaluer les actions. Dans la vie réelle, on est bien obligé de trancher, de décider. »

Il avait le souci de rendre la philosophie accessible à un grand public et participait régulièrement à des événements comme les Journées de Cannes organisées par François Lapérou ou le Festival Philosophia de Saint-Émilion. Lors de sa dernière participation à cet événement, il avait ainsi accepté au pied levé de remplacer un intervenant en improvisant une magistrale leçon sur les trois âges de l’amour.

« Derrière le professeur, un passionné de jazz, pianiste virtuose, doté d’une connaissance saisissante du cinéma hollywodien »

Mais le plus attachant chez cet esprit aussi agile dans un débat polémique que dans le déchiffrement des textes de Pythagore, c’était sa curiosité et sa générosité. Pour avoir été l’éditeur d’un de ses derniers textes, consacré à Platon et le virtuel (La Puissance du simulacre. Dans les pas de Platon  – François Bourin Éditeur, 2013), j’avais découvert derrière le professeur qui portait des jugements tranchés sur la barbarie de notre temps, un passionné de jazz, pianiste virtuose, doté d’une connaissance saisissante du cinéma hollywodien, qui était capable de contacter des ingénieurs de la Nasa ou de jeunes internautes spécialiste de la 3D pour les interroger, tel un éternel étudiant, sur la fabrique des images contemporaines. Nous regretterons longtemps chez cet homme élégant et généreux le mélange très singulier de fermeté intellectuelle et morale et d’ouverture d’esprit.

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