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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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François Jullien et Christian de Portzamparc en 2018 © Audoin Desforges

Ouvrir la ville

Christian de Portzamparc, propos recueillis par Emmanuel Levine publié le 09 janvier 2019 13 min

Peut-on échapper à la standardisation des villes, du monde ? Comment comprendre l’accélération frénétique, qui trouve son expression la plus frappante en Chine ? En laissant de l’espace entre les choses, entre les bâtiments, répondent d’une seule voix François Jullien, philosophe du décentrement, et Christian de Portzamparc, géant de l’architecture. Entre les deux, une conversation s’est nouée, à l’occasion de l’écriture de l’ouvrage collectif “La Ville rêvée des philosophes” (Philosophie magazine Éditeur), qui paraît ce mois-ci.

C’est l’un des architectes les plus célèbres au monde. Lauréat du prix Pritzker, le « Nobel de l’architecture » (c’est le premier Français à l’avoir reçu, en 1994), créateur de la Cité de la musique à Paris, de l’ambassade de France à Berlin, des tours Prism et LVMH à New York, du flagship Dior à Séoul ou encore de la Paris La Défense Arena, Christian de Portzamparc est l’un des premiers urbanistes à avoir remis en question les dogmes de la modernité professés par Le Corbusier. Contre l’uniformité abstraite des constructions, il promeut à partir des années 1970 le retour de la rue, l’îlot ouvert, des ensembles comportant des immeubles de forme et de taille différentes, notamment dans le quartier Masséna de Paris-Rive-Gauche. Attentif au lieu dans lequel s’inscrit la construction, doué d’un sens de l’espace quasi animal, il l’imagine vieillir et se transformer au contact de son milieu et de ses habitants. Il préfère la subtilité des superpositions, la musicalité des rapports, à l’objet massif et spectaculaire.

Il n’avait jamais rencontré François Jullien mais avait lu plusieurs ouvrages de ce philosophe qui est passé par l’étude de la Chine pour déséquilibrer nos axiomes européens, avant de mettre en chantier une philosophie première où le vivre tient la place traditionnelle accordée à l’être dans la métaphysique occidentale. Le travail de Christian de Portzamparc rencontre les décalages que François Jullien fait subir aux concepts directeurs de la pensée occidentale, notamment celui d’une prééminence du modèle idéal sur la réalité. En outre, l’architecte construit beaucoup en Chine et voit le pays imposer son rythme au monde entier.

Les deux hommes se sont écoutés, chacun alimentant la réflexion et les pratiques de l’autre. Attentifs, curieux, souvent enthousiastes, ils se sont finalement vus deux fois, l’architecte montrant ses peintures au philosophe, et ce dernier confrontant ses concepts aux réalisations du premier. Ensemble, ils tracent des pistes pour nous rendre aptes à habiter un monde revenu de ses utopies modernistes et totalisantes.

 

Christian de Portzamparc : Lorsque j’ai découvert à 18 ans les dessins et les constructions de Le Corbusier, je me suis enthousiasmé pour le modernisme. Je suis loin de cette époque, mais je ne veux pas que l’on pense que je suis antimoderne ! Rechercher des solutions universelles pour éliminer le contingent, l’aléatoire, est une chose magnifique qui commence avec les Grecs et que Descartes formula ainsi : « Nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. » Avec l’architecture, avec Le Corbusier, on voit que le moteur est aussi une esthétique, c’est-à-dire une passion qui agit comme une idéologie enchantant la raison technicienne. Dans Vers une architecture, livre fondateur, Le Corbusier affirme que le beau et l’utile peuvent être unis, que la perfection de l’utile est la beauté même. Alors que le beau avait toujours été une affaire d’ajout, de moulure, Le Corbusier met en vis-à-vis le Parthénon et une automobile Daimler Benz. Apollinaire disait qu’il voudrait ne jamais cesser d’être étonné à la vue d’un train : « Crains qu’un jour un train ne t’émeuve / Plus ». J’aime ce vers parce qu’il dit l’émerveillement qui a été celui de cette époque. C’est avec ce regard neuf qu’au début des années 1960, adolescent, j’allais voir les premiers HLM, blancs et purs, qui, à partir de la ville de Rennes, partaient à la conquête de la campagne. Pourtant, en réfléchissant à la ville, j’ai vu la limite d’une vision moderniste absolutiste. Au nom de l’universel, elle refuse le lieu, l’existant, l’infinie diversité des cas. Exécrant le passé, elle ignore l’évolution incessante du monde. De ce fait, elle fige l’avenir.

 

François Jullien : J’aime la modernité, ce moment saillant de remise en question, la plus radicale, conduite par l’Europe à la fin du XIXe siècle. Nous sommes encore sous le coup de cette ultime poussée, qui nous a peut-être terrassés de son extrême audace ! Ce fut une rupture générale. Dans le Discours de la méthode que vous citiez, Descartes compare le philosophe à l’architecte et décrit deux façons de travailler en architecture : soit la table rase, soit le rapiéçage. Cela donne deux sortes de villes, absolument différentes. Je trouve héroïque cette idée de table rase, irréaliste comme elle est, car j’y vois l’extrême effet de la pensée du négatif. L’idée que l’on puisse inscrire dans l’histoire quelque chose de radicalement nouveau est une ressource, utopique certes, mais inépuisable.

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Article issu du magazine n°126 janvier 2019 Lire en ligne
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