« Péché capital », par André Comte-Sponville

publié le 7 min

En partenariat avec les Presses universitaires de France, Philosophie magazine propose chaque jour une entrée du «Dictionnaire philosophique» d'André Comte-Sponville. Aujourd'hui: « Péché capital ».

Les péchés capitaux font partie de notre tradition morale et spirituelle. Chacun sait qu’il y en a sept, même s’il est incapable d’en citer la liste complète… La voici, telle que l’a fixée le pape Grégoire le Grand, à la fin du vie siècle, et telle que nos catéchismes n’ont cessé, depuis, de la rappeler : l’orgueil, l’avarice, la luxure, l’envie, la gourmandise, la colère, la paresse ou acédie. Cette liste a mal vieilli : il y a belle lurette que nous n’y reconnaissons plus nos fautes les plus graves, ni nos dégoûts les plus résolus ! Comme me le disait plaisamment un ami, « il y a dans ces péchés capitaux un côté doigts dans le pot de confiture, qui les rend comme enfantins et presque ridicules ». Nous avons d’autres diables à fouetter.

Qu’est-ce qu’un péché capital ? Pas forcément un péché plus grave que les autres, mais un péché d’où les autres dérivent. C’est un péché qui vient en tête de liste (capital dérive du latin caput, « la tête »), un péché principiel, si l’on veut, comme une des sources du mal. C’est où la notion de péché capital, ou de faute capitale, pourrait retrouver son sens et son utilité, qui serait de nous aider à y voir plus clair. Mais il faudrait en actualiser résolument la liste. Essayons.

Le premier est tout trouvé. Pourquoi faisons-nous du mal ? Par pure méchanceté ? Je n’y crois guère. Nous ne faisons du mal que pour un bien. C’est un des points, il n’y en a pas tant, où je me sens d’accord avec Kant : les hommes ne sont pas méchants (ils ne font pas le mal pour le mal), ils sont mauvais (ils font du mal aux autres, pour leur bien à eux). C’est en quoi l’égoïsme est « la source de tout mal », comme disait encore Kant, et le premier, selon moi, des péchés capitaux. C’est l’injustice à la première personne. Car « le moi est injuste, expliquait Pascal, en ce qu’il se fait centre de tout : chaque moi est l’ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres ». On ne fait du mal que pour son propre bien. On n’est mauvais que parce qu’on est égoïste.

Expresso : les parcours interactifs
En finir avec le mythe romantique
Cendrillon a 20 ans, elle est « la plus jolie des enfants ». Mais pas pour longtemps. Beauvoir déconstruit les mythes romantiques et les contes de fée qui peuplent encore aujourd'hui l'imaginaire collectif.
Sur le même sujet
Article
6 min
Octave Larmagnac-Matheron

La pêche, une activité philosophique ? C’est ce qu’affirment de nombreux pratiquants (notamment pour la pêche à la mouche, et la pêche à la…

La pêche est-elle vouée à l’excès ?

Article
1 min

En attendant la réouverture de ses portes, l’Orchestre National de Lille vient à vous ! ➤ Tentez de remporter le coffret Pentatone Les…

Les Pêcheurs de Perles


Article
1 min
Juliette Cerf

Ancien collaborateur des Cahiers du cinéma dans les années 1960, André Téchiné a réalisé une vingtaine de films, parmi lesquels Souvenirs d’en France (1975), Hôtel des Amériques (1981), Les Roseaux sauvages (1994), Les temps qui…


Article
4 min
Cédric Enjalbert

Le dictionnaire philosophique d'André Comte-Sponville paraissait dans une première version il y a 12 ans. Au 1250 entrées subjectives et informées d'alors, le philosophe matérialiste apôtre d'une spiritualité athée en ajoute aujourd'hui…