“Peintres femmes 1780-1830. Naissance d’un combat”. Cherchez l’infâme

Combien sauriez-vous en citer ? Si les femmes peintres paraissent si rares dans l’histoire de l’art, ce n’est pas qu’elles n’ont pas œuvré, plutôt que le discours officiel les en a écartées. C’est la thèse de l’exposition programmée au musée du Luxembourg, qui s’intéresse à la naissance d’un « combat » féministe en peinture, entre 1780 et 1830. Tandis que les mœurs sociales et politiques se libéralisent, le statut d’artiste libre naît en 1777, qui l’émancipe des contraintes de la corporation et de l’Académie royale, puis un Salon libre se constitue en 1791, et des ateliers féminins se forment. Ainsi, à côté d’Élisabeth Vigée Le Brun (1755-1842), fameuse pour être entrée à l’Académie, trente-cinq noms méconnus sont exposés. On a beau jeu de citer l’interdiction de pratiquer le nu pour les femmes, les obligations matrimoniales ou domestiques pour expliquer leur anonymat. En réalité, les femmes sont assez bien acceptées en peinture à la fin du XVIII^e siècle. Entre la Révolution et le milieu des années 1820, le nombre d’exposantes au Salon officiel passe ainsi d’une trentaine à deux cents. Leur combat porte plutôt sur les pratiques : longtemps exclues de la peinture d’histoire, du style dit « grand », survalorisé au détriment des scènes de genre, elles investissent principalement l’art du portrait ou de l’autoportrait… et s’en servent pour asseoir la représentation de la femme artiste ! Hortense Haudebourt-Lescot (1784-1845) se figure ainsi à la manière d’un Raphaël, avec une sévérité qui rompt avec les usages charmants et pittoresques. Une façon d’affirmer, comme l’écrivait quelques années plus tôt Antoine Renou, secrétaire de l’Académie royale de peinture et de sculpture, que « le talent n’a point de sexe ». Le parcours con­duit donc à réévaluer l’histoire de l’art mais aussi la démarche historique elle-même, en s’intéressant à ce que le philosophe Michel Foucault appelait les vies « infâmes », celles qui n’ont pas vraiment connu la postérité. Les voici sorties de l’oubli grâce à cet accrochage, quitte à produire parfois un effet de catalogue manquant d’une ligne claire. Si « l’on [a] beaucoup de peine à dénier cette masculinisation du monde de l’art, reconnaît la commissaire de l’exposition Martine Lacas, il importe de la mettre en regard de ce qui échappe le plus souvent à la construction du récit historique et du discours sur l’art […]. Et quitte à y perdre un peu en clarté et en esprit de synthèse, pourquoi ne pas endosser l’humble habit du chroniqueur, tissé de patience ? » 

Peintres femmes 1780-1830. Naissance d’un combat / Musée du Luxembourg (19, rue Vaugirard, Paris VI^e) / Jusqu’au 4 juillet 2021 / Informations et réservations sur le site du musée du Luxembourg