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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Richard Swinburne à la Librairie Vrin (Paris) en novembre 2009 (cc) Wikimedia Commons / Ziel

Entretien

Pourquoi Dieu a-t-il permis Auschwitz, Mr Swinburne?

Richard Swinburne, propos recueillis par Wolfram Eilenberger publié le 29 novembre 2012 17 min

Philosophe anglais reconnu, ayant enseigné à Oxford, Richard Swinburne a relancé la théologie rationnelle héritée de saint Thomas d’Aquin. Sauf qu’après Auschwitz, la réaffirmation d’un Dieu tout-puissant l’engage manifestement dans une dérive éthique atterrante. Une désinhibition inquiétante du dogmatisme chrétien ?

Pour ce dossier consacré à l’idée de Dieu, il nous paraissait naturel de rendre visite à Richard Swinburne. Ce philosophe britannique, peu connu en France, est l’une des figures de proue du renouveau de la théologie rationnelle dans le monde philosophique anglo-américain. Il fait partie de ceux qui revendiquent l’héritage de Saint-Thomas d’Aquin et affirment qu’il est possible de justifier la foi ou l’existence d’un Créateur par des arguments rationnels. Lui-même se dit « théiste », dans un sens pourtant légèrement différent du « déisme » de la Révolution française (pour un déiste, Dieu n’intervient pas dans la nature ni dans l’Histoire humaine) : il soutient que Dieu est une personne, un agent surnaturel omniscient, omnipotent et parfaitement libre, qui a créé le monde. Richard Swinburne a fait toute sa carrière dans la prestigieuse université d’Oxford. Il a publié de nombreux ouvrages, parmi lesquels une trilogie, dont il a proposé sans cesse de nouvelles éditions revues et augmentées : The Coherence of theism (Oxford University Press, 1977), The Existence of God (Oxford University Press, 1979) et Faith and reason (Oxford University Press, 1981). En France, où la théologie rationnelle est absente de l’université publique, un seul livre a été publié : Y a-t-il un Dieu ? (Ithaque, traduit par Paul Clavier, 2009). Swinburne a été invité à l’Ecole Normale Supérieure à l’occasion de la parution de son essai… Ce n’est pas un théologien fantasque et isolé, mais un universitaire estimé.

Nous sommes donc allés rencontrer Richard Swinburne en Angleterre afin de débattre avec lui de sa position, sur la base d’objections rationnelles. Or, la conversation a pris un tour complètement imprévu lorsque nous lui avons posé la question classique de la théodicée, soit de l’existence du mal. Si Dieu existe, comment a-t-il pu laisser commettre le mal absolu à Auschwitz et dans les camps de concentration ? A cette question, le philosophe Hans Jonas répondait, dans Le Concept de Dieu après Auschwitz, qu’après l’horreur des camps, il fallait nécessairement renoncer à l’un des trois attributs classiques de Dieu : la bienveillance, l’omniscience et la toute-puissance. Pour sa part, Jonas en concluait que Dieu n’était pas tout-puissant dans sa Création… Mais la réponse de Richard Swinburne à la même question nous a tout simplement abasourdis. Elle est aberrante, inacceptable. Si nous avons décidé de publier cette interview, en dépit de notre désaccord avec les thèses qui y sont exprimées, c’est qu’il nous a semblé important de montrer que le mélange de foi et de raison n’était pas forcément un bouclier contre le dogmatisme le plus aveugle, tout au contraire ! Le théisme d’un Swinburne, précisément parce qu’il imite la structure du raisonnement rationnel, peut arriver à des conclusions extrêmes. Précisons encore que ces paroles n’ont pas échappé à notre interlocuteur et qu’il a relu et validé son interview avant publication.


 

Professeur Swinburne, qu’entendez-vous par théisme?

Richard Swinburne: Le théisme est une doctrine qui postule l’existence d’un dieu, d’un être par essence omnipotent, omniscient et parfaitement libre, qui a créé l’univers et le maintient. Cette hypothèse constitue à mon sens l’explication la plus simple et la plus probable de notre existence et de l’univers, conformément aux critères qui définissent la probabilité de n’importe quelle thèse scientifique.

 

Ce critère de simplicité est capital pour votre argument en faveur de l’existence de Dieu. Or, si l’on compare les trois grandes religions abrahamiques, le dieu de l’islam ne semble-t-il pas plus simple que celui du christianisme et, donc, plus approprié à votre raisonnement ?

Vous faites référence à la doctrine chrétienne de la Trinité ? Comme l’islam, le christianisme postule l’existence d’un être divin dont tout dépend. Mais le christianisme, lui, postule aussi l’existence de deux autres personnes divines. Dès lors qu’il existe un être divin (le Père), que fera un tel être en vertu de sa bonté ? Par principe, la bonté a vocation à se diffuser. Un être véritablement bon voudra donc aimer et partager son amour. Or l’amour parfait porte sur un égal. Dieu a donc produit un autre être divin qu’il aime et dont il est aimé. Mais l’amour entre deux êtres est parfois très égoïste. D’où la Trinité : chaque être divin s’associe à un autre pour en aimer un troisième. Pour qu’il y ait un amour non-égoïste, il faut au moins trois personnes. C’est la raison pour laquelle je crois en la Trinité.

 

La notion de Dieu comme personne occupe une place centrale dans votre raisonnement. On pourrait cependant vous objecter qu’une personne est forcément incarnée. Or la personne dont vous parlez, Dieu, n’est pas vraiment incarnée. L’usage que vous faites du concept de personne n’est-il pas détaché du sens usuel ?

J’utilise le terme de personne dans son sens le plus usuel ! Dans le langage courant, une « personne » désigne quelqu’un qui a des croyances, des facultés et des objectifs. Certes, toutes les personnes que nous croisons dans la rue ont un corps, mais le concept que nous en tirons peut s’appliquer à d’autres personnes très différentes de celles que nous rencontrons. Tout le monde comprend les histoires de fantôme, même sans y croire. Cela vaut aussi pour le discours sur Dieu. Si vous croisez quelqu’un dans la rue et que vous lui parlez de Dieu, il ne croira pas forcément en Dieu mais il ne vous répondra pas : « Mon concept de personne ne me permet pas de dire que Dieu est une personne ». Il vous dira peut-être qu’il n’y a pas de Dieu, mais il comprendra ce dont il nie l’existence.

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« Éviter la paraphrase » : combien de fois avez-vous lu ou entendu cette phrase en cours de philo ? Sauf que ça ne s’improvise pas : encore faut-il apprendre à la reconnaître, à comprendre pourquoi elle apparaît et comment y résister ! 
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Article issu du magazine n°65 novembre 2012 Lire en ligne
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