"Protéger nos forêts, c’est aussi préserver des souvenirs et des rêves"
Le Var, l’Algérie, la Grèce, l’Australie, la Sibérie, la Californie… Dans le monde, les « méga-feux » se multiplient. Favorisés par le réchauffement climatique, ces incendies incontrôlables sont aussi dus à la disparition des « techniques de feu » dans les sociétés occidentales, selon la philosophe Joëlle Zask, autrice de Quand la forêt brûle (Premier parallèle, 2019). Elle explique pourquoi il faut parfois soigner le feu par le feu.
Une vaste partie du massif des Maures a brûlé la semaine dernière. Qu’avez-vous ressenti devant les images de l’incendie ?
Joëlle Zask : Un immense sentiment de désolation. La végétation que l’on trouvait dans cette réserve naturelle était similaire à celle du Cap Bénat, près de Bormes-les-Mimosas, un lieu magnifique qui avait brûlé en 2017. Le projet de mon livre Quand la forêt brûle (Premier Parallèle, 2019) était parti de là. J’ai de nouveau été bouleversée de voir ainsi les paysages, les animaux et les maisons disparaître. Quand une forêt brûle, c’est toute la mémoire d’un territoire qui part en fumée, tout un paysage qui disparaît. Les forêts ne repoussent pas à l’identique. Au Cap Bénat, des mimosas et des eucalyptus ont pris la place des chênes et des pins. Il faudra une trentaine d’années pour que les arbres grandissent, si tant est que le feu ne repasse pas d’ici là – ce dont on peut douter.
Dans votre livre, vous alertez sur l’aggravation des feux liée au réchauffement climatique. Pouvez-vous nous expliquer ce phénomène ?
Il faut d’abord se souvenir que la quasi-totalité des feux de forêt, que ce soit en France ou dans le monde, sont d’origine humaine. La combustion des forêts n’est pas spontanée, une mise à feu est nécessaire. Parmi les causes naturelles potentielles, seul les éclairs d’orages secs sont susceptibles de la provoquer. Si cela est assez fréquent dans des régions lointaines, comme l’Oregon ou la Colombie britannique, cela reste rare en Méditerranée. En France, depuis des décennies, on s’est donc habitués à vivre avec des incendies estivaux, qui sont toujours d’origine accidentelle ou criminelle. Ce qui est nouveau, depuis quelques années, c’est ce que l’on appelle les « méga-feux ». Leur apparition est due à deux grandes séries de facteurs : le réchauffement climatique, qui assèche l’air, les sols et la végétation et rend les forêts plus inflammables ; et certaines politiques de préservation de la nature qui, au prétexte que les forêts relèveraient d’une nature vierge, ont criminalisé les feux d’entretien et imposé une extinction des feux dès la première flamme. On a ainsi interdit les traditionnels « feux dirigés » qui débroussaillaient et maintenaient des espaces ouverts lesquels, à leur tour, retenaient le feu. En régulant les strates intermédiaires de végétation, ces feux dirigés évitaient que ces dernières ne soient, pour les flammes, des tremplins vers le houppier des arbres. Aujourd’hui, quand un incendie dégénère, on ne parvient plus à l’éteindre. On attend qu’il pleuve ou que les flammes atteignent la mer. C’est ce qui s’est passé dans le Var.
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