Que veut dire être mal logé ?
Derrière les 4,2 millions de mal-logés recensés en France par le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre se cache une réalité très diverse, allant du « sans-abrisme » au logement indigne. Décryptage de ces différents visages de la misère avec Marielle Macé, Judith Butler et Cynthia Fleury.
Comment nommer le « mal-logement » ?
Être « mal » logé, c’est d’abord ne pas être logé du tout. Dans cette toute première frange de la population, on peut distinguer les personnes « sans-abri » et des individus « sans domicile fixe ». Les premiers sont les plus précaires de tous : le terme désigne, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) toute personne qui ne « dispose d’aucun lieu couvert pour se protéger des intempéries et dort à l’extérieur (dans la rue, un jardin public…) ou dans un lieu non prévu pour l’habitation (cave, cage d’escalier, chantier…) ». Cette partie de la population est très difficile à mesurer et les dénombrements se font à l’échelle des villes, lors des « Nuits de la solidarité ». À Paris, dans la nuit du 26 au 27 janvier 2023, 3 015 personnes sans-abri étaient recensées.
Les « sans domicile », eux, sont ceux qui ont passé « la nuit précédant l’enquête dans un lieu non prévu pour l’habitation ou dans un service d’hébergement (hôtel ou logement payé par une association, chambre ou dortoir, etc.) ». D’après le rapport de la Fondation Abbé-Pierre « plus de deux millions de personnes ont ainsi déclaré avoir connu une absence de logement personnel pendant au moins un an, et 440 000 d’entre elles pendant plus de cinq ans ».
Ces dernières années, la catégorie plus générale de « sans chez-soi », qui regroupe toutes les personnes ne bénéficiant pas « d’un lieu à soi, où l’intimité et la sécurité soient garanties et qui s’inscrivent dans un espace urbain délimité et privé », est mobilisée par certains acteurs associatifs – notamment par l’association Médecins du monde.
Sans-abri, des lois pour s’en sortir ?
Toutes ces désignations témoignent d’un manque fondamental et premier. Le « sans » des sans-abri est une privation de possibilités : celle de se chauffer, de se soigner, de s’en sortir. Pour cette raison, les politiques ont changé. La méthode qui a longtemps prévalu était celle dite de l’« escalier ». Avoir un toit était alors l’ultime récompense, la « dernière marche » franchie après un parcours du combattant souvent chaotique et fastidieux, consistant à passer d’hébergements d’urgences en hébergements d’urgences, sans pouvoir se fixer dans un lieu de manière pérenne.
Aujourd’hui, de nombreuses politiques publiques comme le « Plan Logement d’abord » lancé en 2017, ont intégré qu’il fallait d’abord avoir un toit pour pouvoir ensuite ouvrir les possibles et permettre aux personnes concernées d’aller vers une forme de stabilité. Mais selon le rapport de la Fondation Abbé-Pierre, ce changement de cap, « salué sur le principe » par les acteurs sociaux, est difficile à mettre en œuvre. Les auteurs du rapport mettent notamment en cause « l’absence d’une volonté politique suffisamment forte adossée à des moyens financiers cohérents en mesure de développer une offre suffisante de logements sociaux à loyers accessibles et de renforcer la mobilisation du parc privé à des fins sociales ».
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