L'écho de l'actualité

Radar. Avril 2011

Martin Legros publié le 4 min

Chine/ 14 mars 2011

Inflexion idéologique à l’Assemblée nationale populaire : le bonheur en lieu et place de l’harmonie.

Le pouvoir chinois se sent-il menacé par le vent de liberté qui souffle sur le monde arabe ? À l’heure où se mutliplient sur Internet les appels à des rassemblements pour le respect des libertés et la fin de la corruption ; alors que l’inflation explose et que les inégalités se creusent, le régime donne des signes de fébrilité : renforcement des mesures de sécurité, pression accrue sur les journalistes, annonce d’un plan quinquennal plus équitable. Mais c’est dans le champ de l’idéologie que l’inflexion a été la plus surprenante. Le Premier ministre, Wen Jiabao, a proposé aux 3 000 députés de l’Assemblée nationale populaire une nouvelle philosophie politique, ni plus ni moins. La Chine avait jusqu’alors trouvé dans l’idée confucéenne d’harmonie une légitimation permettant à la fois de se distinguer de l’Occident et de requérir la soumission de chacun à un plan d’ensemble. Voici que pour marquer son souci des « problèmes qui font l’objet de vives réactions parmi la population », le régime met à son fronton le très occidental principe du bonheur, dont les sinologues nous disent qu’il est le grand absent de la culture chinoise. Seuls 6 % des Chinois se déclarent aujourd’hui heureux… et 27 % se sentent oppressés par la « pression psychologique » ambiante. En ouverture de l’Éthique à Nicomaque – le bréviaire de la morale occidentale –, Aristote répond à la question « quel est, de tous les biens réalisables, le bien suprême où tend la politique ? »  : « Sur son nom, la plupart des hommes sont pratiquement d’accord, c’est le bonheur. »  En faisant mine de se soucier du bonheur collectif, les autorités croient avoir trouvé le socle d’un nouveau consensus. Elles ont peut-être introduit un principe politique très subversif. Car, comme le précise Aristote : « Tous assimilent le fait de bien vivre et de réussir au fait d’être heureux. Par contre, en ce qui concerne la nature du bonheur, on ne s’entend plus. » 

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