Se souvenir de notre non
Sollicités en permanence, nous traitons parfois autrui comme un spam. Mais est-ce notre lâcheté ou notre environnement numérique qui nous fait préférer le non-dit à un vrai non ?
L’autre soir, une amie me racontait qu’elle avait été « ghostée ». Ghosted. Réduite à l’état de fantôme par quelqu’un qu’elle avait rencontré, ou plutôt pas encore rencontré, une semaine plus tôt sur une appli de rencontres. Leur conversation s’était brusquement arrêtée là, l’amoureux potentiel n’avait plus donné signe de vie, elle en souffrait. Mais pourquoi, pourquoi ne pas lui avoir simplement dit, non, j’arrête là, désolé ? Elle trouvait ça lâche et, en même temps, elle comprenait. C’est intime de dire non, ça demande un certain courage, une certaine énergie qu’on n’a pas forcément envie de donner à quelqu’un qu’on connaît à peine.
À la suite de cette conversation, je me suis d’abord sentie coupable. Je n’ai jamais ghosté personne amoureusement, mais je suis d’une nature introvertie (très). Alors les incessants messages qui pleuvent sur nous comme des grêlons – merci WhatsApp, Insta, Signal, Outlook – et que nous sommes censés lire en temps réel me laissent parfois sans force. Sans force, et donc sans voix. Je fais partie de ces gens qui peuvent mettre plusieurs jours à répondre à un texto. Au fond, ça n’est pas vraiment une conversation que je suspends, c’est à la surabondance de messages et à l’exigence d’instantanéité que je dis (ou du moins essaye de dire) non. Comment dire non à ça sans blesser son interlocuteur, telle est la question. La réponse que j’ai trouvée, banale, consiste à mettre mon portable en mode avion durant un certain nombre d’heures. Mais ça reste une réponse insatisfaisante, participant à cette raréfaction du non, qui se transforme en « pas tout de suite ». C’est le choix que nous laisse la technologie – « Voulez-vous découvrir cette nouvelle fonctionnalité ? » « oui/pas maintenant » –, oui ou plus tard, jamais de la vie étant exclu. Conséquence : dans le monde des interactions humaines, trop humaines, le non se raréfie, devenant à lui seul une preuve d’intimité et d’estime. Quant à ceux à qui on ne répond rien, ils sont censés traduire ce que la messagerie refuse de leur dire en face : un « pas tout de suite » qui se prolonge, c’est un non – un non non-dit, avec le sentiment amer de ne pas même être digne d’une réponse négative.
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