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Laurent Lafitte dans la série “Tapie”, d’Olivier Demangel et Tristan Séguéla. © Netflix

Philo en série(s)

“Tapie”, une vie intense

Yasmine Khiat publié le 22 septembre 2023 4 min

La série d’Olivier Demangel et de Tristan Séguéla, à voir sur la plateforme Netflix depuis le 13 septembre, retrace l’itinéraire du fils d’ouvrier devenu patron d’Adidas et de l’OM, et ministre de la Ville de François Mitterrand : Bernard Tapie (1943-2021). Avec un pari : saisir cette vie à travers ses moments d’intensité au sens que Gilles Deleuze donnait à ce terme. 


 

Cela commence par la fin. En ouverture du premier épisode, voilà le fils d’ouvrier, devenu patron d’Adidas et de l’OM, ministre de la ville de François Mitterrand qui pénètre, avec une standing ovation en fond sonore…. dans les coursives de la prison de la Santé. On revient ensuite à ses débuts, quarante ans plus tôt. Bernard Tapie est candidat dans une émission de télé-crochet. Face à Polnareff et à sa poupée qui fait « non », le jeune Tapie, persuadé d’avoir quelque chose de plus que les autres, l’emporte avec Passeport pour le soleil (1966), son premier succès. S’ensuivent sept épisodes qui explorent autant de moments charnières de cette vie haute en couleur. Celle du fils d’un chauffagiste de la CGT qui attend désespérément la reconnaissance de son père ; celle du repreneur d’entreprise qui promet monts et merveilles aux salariés ; celle de l’amoureux prêt à tout lâcher, femme et enfant, pour la femme qui a rallumé sa foi en l’amour ; celle du bateleur de scène qui réinvente la télévision, ou du politicien qui séduit Mitterrand et croise le fer avec Jean-Marie Le Pen. Talentueux en affaires, Bernard Tapie enchaîne les réussites et les échecs, sans jamais avoir à solder les comptes. 

Incarné par Laurent Lafitte de la Comédie française, qui s’est entièrement fondu dans le personnage, dans son corps, ses tics, sa voix, son regard, Tapie est un être en mouvement permanent, qui veut « rentrer dans le lard du système » et qui n’a jamais peur. Il s’enrichit et s’engage parallèlement auprès des ouvriers et des jeunes. Dans les vestiaires du club de football marseillais, Tapie sait aussi se faire entendre : « C’est le Vieux-Port contre les p’tits gars de la porte d’Auteuil, ceux qu’ont le pouvoir et qui nous regardent d’en haut comme des merdes ! » Symbole de réussite, Tapie prend l’ascenseur social, vise la lune, devient riche et célèbre. La série met en lumière la démesure d’un homme qui veut croire dans le pouvoir du rêve et a emmené tous ceux qu’il croise dans l’idée qu’il va leur permettre de réaliser le leur. Cela s’est souvent mal terminé. 

La réussite de la série tient sans doute au choix de retracer cette vie à travers plusieurs moments de haute intensité. Elle semble s’inspirer de la pensée de Gilles Deleuze qui, dans Différence et Répétition (1968), invite à aborder les vies individuelles autrement que comme des destins ou des itinéraires obéissant à un plan, à un objectif, à une idée. Car la vie, en nous et hors de nous, est d’abord faite d’intensités. Cette intensité affecte nos sensations, elle s’impose à nous par des signes violents, des évènements extérieurs qui nous prennent de court et perturbent nos habitudes. La répétition du quotidien est rompue par le surgissement de quelque chose d’intense, comme ce coup de foudre qui bouleverse la vie de Tapie. Ces événements nous poussent alors à sentir ce que Deleuze appelle une différence. « Tout ce qui se passe et qui apparaît est corrélatif d’ordres de différences : différence de niveau, de température, de pression, de tension, de potentiel, différence d’intensité », écrit Deleuze. Il nous donne ainsi à penser la vie comme une série d’intensités qui traversent les êtres et leurs corps. Tout ce qui arrive de nouveau dans le présent est une autre dimension intensive. Cette différence d’intensité distingue le passé du présent. Dans une telle optique, il ne sert à rien de raconter le parcours d’une existence comme une suite continue de péripéties, depuis la naissance à la mort, qui adviendrait de l’extérieur à un sujet stable et permanent. « Qui ? C’est toujours une intensité. [...] L’individu n’est ni une qualité, ni une extension », poursuit Deleuze. 

Ces moments d’intensités, au sens deleuzien, ne sont pas toujours positifs ou joyeux. Dans le deuxième épisode, Bernard Tapie se lance dans une nouvelle entreprise, « Cœur Assistance », promesse d’une révolution médicale, celle de sauver des vies en trente minutes grâce à des médecins se déplaçant à moto. Mais Tapie se retrouve confronté à une urgence et pratique lui-même un massage cardiaque sur un patient allongé, le cœur à l’arrêt. Il s’effondre en rentrant chez lui et confie à sa femme : « Cœur Assistance, c’est fini, Bernard Tapie, c’est fini, je suis désolé... » Dramatique au possible, sa pire angoisse se réalise, et il finit par réparer les chaudières avec son père. Mais Tapie se relève et croit à nouveau en sa bonne étoile. Nanard ne sera surtout pas comme son père. « Moi, je suis peut-être un clown, mais au moins, moi, je fais rêver les gens ! Tu fais rêver qui, toi ? » Et le père de lui répondre froidement : « Moi au moins, je sais qui je suis. » Bernard enrage. L’intensité Tapie fait définitivement exploser les usages communs. Il nous donne à penser la vie, la sienne et la nôtre aussi, comme une traversée d’intensités. Pour le meilleur et pour le pire.

 

La série Tapie d’Olivier Demangel et Tristan Séguéla, avec Laurent Lafitte, Joséphine Japy, Patrick d’Assumçao, Samuel Labarthe et Camille Chamoux, est diffusée sur la plateforme Netflix depuis le 13 septembre 2023.

Tapie, l’intensité pour le meilleur et pour le pire
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