Un pharmakon psychédélique ?
Utiliser des drogues psychoactives pour refermer les portes de la dépression en plus d’ouvrir celles de la perception ? De nombreux médecins et thérapeutes – mais aussi d’ambitieuses start-up – y travaillent. Au risque du bad trip ?
Il n’y a pas que la recherche sur les vaccins qui mobilise les laboratoires en cette nouvelle décennie. Une autre branche de l’industrie pharmaceutique est en plein essor : le développement de substances psychédéliques, qui pourraient être utilisées demain pour le traitement du stress post-traumatique et de la dépression.
Si la MDMA (ou ecstasy), le LSD, la psilocybine et la kétamine ne peuvent pas encore être prescrits sur ordonnance, leur utilisation pour soigner certaines souffrances psychiques fait déjà l’objet d’expérimentations aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Canada. À Toronto, la clinique Field Trip Health propose aux patients atteints de dépressions résistantes un traitement associant quatre à six doses de kétamine et une dizaine de séances de thérapie. Ce traitement d’un genre nouveau réduirait les symptômes dépressifs et la force des idées suicidaires. Comment est-ce possible ? Les drogues psychédéliques possèdent la capacité d’ouvrir d’autres perceptions, favorisant ce que le directeur médical de la clinique canadienne, Michael Verbora, qualifie de « dés-association » : durant l’expérience psychédélique, le patient se libère de ses schémas habituels, il cesse de s’identifier à ses maux. Une percée qu’il faut ensuite stabiliser sur la durée grâce aux séances de thérapie. Ainsi l’expérience psychédélique et la psychothérapie, loin de s’opposer, se renforceraient mutuellement.
Ce constat a conduit, en 2017, la Food and Drug Administration (FDA) américaine à autoriser les recherches sur l’usage de la MDMA dans le traitement du stress post-traumatique et sur celui de la psilocybine (tirée des champignons hallucinogènes) dans le traitement des dépressions. Aux États-Unis, l’université Johns-Hopkins, qui travaille sur l’usage thérapeutique des psychédéliques depuis plusieurs années, a ainsi bénéficié en 2019 d’un fonds privé de 17 millions de dollars pour la création du Center for Psychedelic and Consciousness Research. Le centre a déjà mené à bien plusieurs protocoles sur des patients volontaires, démontrant notamment l’intérêt de la psilocybine associée à une thérapie pour le traitement de dépressions graves ou consécutives à un cancer. D’autres recherches sur le traitement des addictions et de l’anorexie sont en cours.
Mais thérapeutes et psychonautes ne sont pas les seuls à s’intéresser aux vertus des hallucinogènes et aux portes de la perception : la seule industrie américaine des psychédéliques pourrait peser 6,8 milliards de dollars d’ici à 2027. De quoi faire naître des start-up dédiées – avec la crainte que cette ouverture sur les voyages intérieurs, à peine née, soit déjà victime d’une dangereuse obsession de rentabilité. Comment s’assurer que, demain, on ne pousse pas les patients à remplacer une longue (et peu rentable) psychothérapie par une illumination rapide que personne, au fond, ne peut vraiment maîtriser ? Qui prendra soin des victimes de « bad trips » ? Voyager dans la conscience peut-il être autre chose qu’une expérience sacrée ?
Autant de questions que posait déjà, en 1979, Albert Hofmann, co-inventeur du LSD, dans son livre LSD. Mon enfant terrible (trad. fr. L’Esprit frappeur, 2003). Le chimiste suisse insistait sur l’importance d’un cadre adéquat et d’une préparation avant toute prise de substances hallucinogènes. Nécessité d’un rituel donc, qu’il soit scientifique ou spirituel. Car, comme les réseaux sociaux, comme l’intelligence artificielle, comme toutes les découvertes intenses de notre siècle, les psychédéliques sont des pharmaka : capables du meilleur comme du pire, tout est question de conscience. Ou de dosage.
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