50 nuances de contrat
L’exigence d’un consentement explicite avant chaque acte sexuel, en vogue dans le monde anglo-saxon mais aussi en Suède, serait, dit-on, incompatible avec l’érotisme. Est-ce bien certain ? Un détour par le « contrat » masochiste montre qu’il existe également une érotique du consentement.
Un car roule sur une route d’Anatolie. À un arrêt, un adolescent entre et choisit un siège. Devant lui, une jeune fille est assise, très droite. On lui devine un visage harmonieux et sérieux. Lentement, après que le car a redémarré, le garçon avance sa main vers le dossier du siège. Avec mille précautions, profitant du cahotement, il l’approche des cheveux de la jeune fille. Avec un doigt, il se met à caresser, très doucement, ses cheveux. Elle ne peut pas ne pas le sentir. Mais elle ne bouge pas. Il s’amuse à retenir un brin de sa chevelure entre deux doigts. Puis lui touche la joue. Elle ne remue pas davantage. Autour d’eux, des paysans âgés, des femmes, souvent voilées – le monde des adultes, des interdits. Sous leur nez, les deux adolescents jouent à l’amour. On peut considérer cette scène comme le summum de l’érotisme : la jeune fille ne sait peut-être pas qui la caresse, ou n’en est pas sûre. En ne bougeant pas, elle manifeste son acceptation, ou sa reddition. On peut aussi y voir un exemple de harcèlement. La jeune fille est tétanisée. Elle a peur de réagir. Elle se laisse faire et s’apprête à subir sans un mot la violence de l’inconnu.
Mais le temps du silence est révolu. Cette chose vue serait actuellement impensable sur un campus américain. En Californie depuis 2014, dans l’État de New York en 2015, dans celui du Connecticut l’année suivante, les universités ont été sommées d’adopter la règle du « consentement affirmatif ». Auparavant, la formule directrice était : « No means no. » Dorénavant, il faut demander un « oui » à chaque étape d’une étreinte : « Yes means yes » (lire l’encadré). Dans le cas contraire, une plainte pour viol peut être déposée. En Suède, une loi doit être votée en juillet 2018, interdisant une relation sexuelle n’ayant pas fait l’objet d’un consentement explicité. L’objectif est de faire disparaître toute ambiguïté, dont profitent toujours les agresseurs sur le mode : « Elle semblait consentante », « Pourquoi ne m’a-t-elle pas clairement rejeté ? » La règle du « consentement affirmatif » codifie, épelle et fragmente le processus érotique, au risque d’en éteindre le plaisir ou d’en supprimer la possibilité même. En Europe continentale, on moque souvent ces mesures. Les défenseurs de la galanterie et des liaisons dangereuses dénoncent la police du sentiment qui régnerait désormais. Les joies du jeu, du trouble amoureux, de la spontanéité seraient remplacées par un mode d’emploi érotiquement correct mais refroidissant.
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